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FAIRE FACE A LA MORT GRACE A UNE PSYCHOTHERAPIE

De la position, et non de la place du mort

Fernando de Amorim

Paris, le 31 janvier 2020

Jacques Lacan dans « La chose freudienne ou Sens du retour à Freud en psychanalyse », écrit ce qui suit :

« …l’analyste intervient concrètement dans la dialectique de l’analyse en faisant le mort, en cadavérisant sa position comme disent les Chinois, soit par son silence là où il est l’Autre avec un grand A, soit en annulant sa propre résistance là où il est l’autre avec un petit a. Dans les deux cas et sous les incidences respectives du symbolique et de l’imaginaire, il présentifie la mort. Encore convient-il qu’il reconnaisse et donc distingue son action dans l’un et l’autre de ces deux registres pour savoir pourquoi il intervient, à quel instant l’occasion s’en offre et comment en agir. La condition primordiale en est qu’il soit pénétré de la différence radicale de l’Autre auquel sa parole doit s’adresser, et de ce second autre qui est celui qu’il voit et dont et par qui le premier lui parle dans le discours qu’il poursuit devant lui. Car c’est ainsi qu’il saura être celui à qui ce discours s’adresse. ».

Le désir du psychologue, comme celui du psychiatre, est un désir soutenu par son diplôme universitaire. Celui du psychothérapeute, par sa volonté de maîtrise. Celui de l’analyste, par son mi-désir. Celui du psychanalyste, pas son désir décidé d’occuper la position d’objet a.

Le désir du psychanalyste est porté par son engagement à occuper la position d’objet a. Le nourrissage de ce désir d’occuper cette position installe le clinicien, sans qu’il sache les raisons, dans un désir de psychanalyste. Ce désir est mystérieux puisque le psychanalyste reconnaît son désir, de là la formule désir du psychanalyste, mais de là à savoir ce qu’il fait là, toute la journée à écouter…

Ce désir de psychanalyste avait interpellé Philippe Sollers quand ce dernier se disait étonné que Lacan passa ses journées à écouter les gens…

Dans la position de psychanalyste, le clinicien accepte de mettre son désir sur la table. Son désir est vide, il n’est pas creux. Il fait semblant d’occuper la position du mort, il ne l’est pas. En parlant de place du mort, Lacan a peut-être laissé la porte ouverte à quelques-uns, parmi les moins vivants, pour saisir l’occasion de prendre place, voire de s’installer définitivement. Il est possible de repérer ces comateux, morts-vivants, qui se disent psys, analystes et qui, par leur mollesse de verbe et de corps, indiquent qu’ils ne vont pas bien. Comment les aider ? En les invitant à reprendre le chemin de leur psychanalyse personnelle.

Le devoir de l’être vivant est de vivre, et non de faire semblant d’être en vie. Comment des professionnels de la santé mentale peuvent-ils s’identifier au morbide, au cadavre, à être dans une place de mort ? Parce que, en abandonnant sur le bas-côté, en cours de route, voire sur la route, leur cure il ne faut pas s’étonner qu’il leur soit impossible de tenir la route clinique, qu’il s’agisse d’une psychothérapie avec psychanalyste ou d’une psychanalyse (Cf. Cartographie du RPH).

Ils traitent leur désir comme le chien encombrant dont il faut se débarrasser avec l’arrivée des beaux jours. Ils s’identifient avec le chien toléré par la gérance du poète Pessoa, quand ils se doivent d’être à leurs postes cliniques, dans le sens du transfert, à l’entrée de la clinique, dans le sens grec.

Je propose donc que nous ne parlions plus de place du mort, comme l’avait proposé Lacan platonicien en faisant référence au bridge, dans « La direction de la cure », mais de position de mort. Cette position est repérable au moment de l’accostage d’une psychanalyse (Cf. Carte des trois structures).

Le moment de l’accostage fait partie du processus de sortie d’une psychanalyse. Une fois la vérification faite, le clinicien, dans la position de supposé-psychanalyste, confirme qu’il s’agit d’une sortie de psychanalyse. Au contraire de dire des mots anodins du type « Adieu ! », voire des formules imbéciles – dans le sens médical – du genre « C’est fini ! Vous êtes guéris ! », le clinicien se taira définitivement en séance, occupant ainsi la position de mort. Il attendra que, par un processus énigmatique dans lequel les vents et les courants psychiques interviennent, le bateau de la cure touche un continent dans le cas de la névrose, une île dans le cas d’une psychose ou un abri dans le cas de la perversion.

C’est l’être, face au silence de mort du clinicien qui se décidera à laisser tomber l’embarcation qui lui a servi à traverser le Styx qui l’habite, pour devenir sujet. À ce moment, le supposé-psychanalyste deviendra psychanalyste.

De cette psychanalyse uniquement.