Fernando de Amorim
Montmartin, le 22 décembre 2019
Une dame que j’aime beaucoup m’a offert un « cadeau professionnel, ton cadeau personnel tu l’auras le 24 », selon ses dires.
Ainsi, j’ai ouvert mon présent. Il s’agit d’un texte que son auteur a intitulé « Freud & Lacan des charlatans ? ».
J’ai lu le livre.
Il y a des gens qui existent en dénigrant l’autre. Bien entendu c’est une manière d’exister comme une autre. Il y a ceux qui construisent et il y a ceux qui existent en dénigrant le travail accompli, travail imparfait, mais qui tient la route, me semble-t-il, contre vents et marées.
Le point d’interrogation dans le titre de l’auteur est un élément important puisqu’il pousse à la lecture. C’est un appât et non une construction avec visée scientifique. Je me suis dit cela à la fin de la lecture. Je me suis dit aussi qu’une communauté internationale de concierges ferait bien mieux pour dénigrer une cible.
La quatrième de couverture précise que l’auteur “a pratiqué avec conviction, la psychanalyse durant une dizaine d’année…”. Je pratique la psychanalyse depuis 39 ans sans conviction. Je cherche toujours où Freud et Lacan se sont trompés. Je suis parvenu à la conclusion que le problème se situe dans la lecture universitaire de la psychanalyse personnelle du psychanalyste. Pour cette raison je continue ma psychanalyse personnelle. Je suis entièrement satisfait de ma psychanalyse : je suis devenu adulte, époux, père, ami. En proposant que « la psychanalyse du psychanalyste soit sans fin », je vise à protéger la psychanalyse du moi des psys, des analystes, des ex-. Il faut toujours se protéger de la jalousie des ex, qu’ils soient des amants vengeurs ou envieux et qui n’ont pas réussi à porter le désir de psychanalyste.
C’est vraiment saisissant de croire à la conviction, phénomène moïque par excellence, pour argumenter sur deux vies, celle de Freud et de Lacan, vies dédiées à la clinique et à la théorisation de la psychanalyse. Ils sont défaillants ? Bien sûr. Et la fonction des psychanalystes d’aujourd’hui, c’est d’apprendre avec les erreurs des leurs aînés pour rectifier la route et vérifier si la psychanalyse est une science ou non, et si oui, laquelle, et si non, pour quoi. Mais ce n’est pas en rapportant ou en salissant l’homme ou son œuvre qui ses détracteurs réussiront à détruire la psychanalyse.
En tant que pratiquant convaincu de la psychanalyse ce Monsieur est un excellent psychologue. D’ailleurs il semble qu’il soit professeur de psychologie.
Sans la psychanalyse, Freud ne serait qu’un neurologue parmi tant d’autres, Lacan, un psychiatre parmi d’autres, et ce Monsieur… qui est-ce d’ailleurs ? Il existe en tant que détracteur. C’est une manière idéologique d’exister comme une autre. Mais elle ne fait pas avancer le problème des personnes qui viennent parler de leur détresse avec un psychanalyste.
Des problèmes existent mais ce ne sont pas ceux de la psychanalyse. Devons-nous jeter le bistouri parce que le chirurgien ne sait pas l’utiliser ? Tuer Bucéphale car aucun cavalier ne parvient à le monter ?
Les problèmes relèvent de celles et ceux qui prétendent être psychanalystes quand ils ne le sont pas. D’ailleurs quelques-uns sont même convaincus d’avoir pratiqué durant une dizaine d’années…
Pour résoudre ce problème, j’avais proposé que nous parlions de position de psychanalyste et non de place. Ma visée ici est de ne laisser aucune possibilité au psychanalyste de croire qu’il l’est vraiment. C’est à sa mort qu’un quelqu’un, qui a été sur son divan, viendra sur sa tombe pour écrire : « Il était psychanalyste ! ».
Les propositions de science figurant dans ce livre sont confondantes d’innocence. En tant que psychologue, en tant que técéciste, c’est-à-dire, en tant que technicien – et non thérapeute – comportementaliste et cognitiviste, il sacrifie le désir avec des propositions procustiennes.
La clinique de Freud serait nulle ? Quid de votre clinique, Monsieur, et de vos références ? Mettons nos cliniques contemporaines sur la table et en public dans un cadre studieux et civilisé, c’est-à-dire, sans vos insultes. Dans ce cadre colloquial, vous critiquez ma clinique et je critique la vôtre. Un patient ou plusieurs, la question du diagnostic, de la conduite de la cure, de la guérison, de la sortie de la cure… À votre disposition pour un tel colloque.
Freud, Lacan, Dolto, sont tout ce qu’écrit ce Monsieur avec le consentement de ses références. Mais je ne cherche pas de maîtres mais des textes pour me sortir de l’embarras clinique quotidien et pour cela il est sûr que je continuerai à lire la triade ci-dessus citée puisque c’est elle qui m’aide. Depuis 1981 je n’ai pas eu de suicide dans ma clinique. La raison est l’usage du concept freudien de résistance du surmoi et de l’Autre non barré de Lacan. Bien entendu je ne me suis pas arrêté au concept, je les ai travaillés, mastiqués, macérés. Il me semble que c’est cela faire science : apprendre avec les erreurs des prédécesseurs.
Freud pour moi n’est pas un ennemi, ce n’est pas un Autre méchant, ni le bras armé de haine de la résistance du surmoi : c’est un Freund.
De toute évidence ce n’est pas le cas de tout le monde.