Fernando de Amorm
Paris, le 26 novembre 2019
Il me semble important de mettre en évidence les compétences, le désir de réussite et non les plaintes.
Invité à participer à une émission de la chaîne Viceland, j’ai surtout voulu ne pas me dérober de ma position de psychanalyste, à savoir : parler avec des personnes que, d’ordinaire, je ne rencontre pas, des rappeurs.
Tout d’abord une remarque sur le titre de l’émission : Thérapie. Il s’agit de la traduction pure et simple de sa version nord-américaine. Au contraire de « thérapie », « psychothérapie » ou de « psychanalyse », j’avais proposé : « expérience », « bavardage ». Mon intention était de ne pas mélanger la psychanalyse à une expérience qui n’est pas psychanalytique mais, qui peut ouvrir une voie à une psychanalyse. Mais la production a décidé de maintenir le titre original. J’ai accepté leur proposition. Je n’ai pas, par éducation domestique et après ma psychanalyse personnelle, volonté de vouloir changer les gens.
Toutefois, grâce à cette expérience, des personnes qui n’avaient jamais envisagé de rencontrer un psychanalyste, ont fait le pas, et ce que j’entends est simplement éblouissant du malentendu social. C’est ici que je tiens à remercier sincèrement les Dames – la deuxième saison vient d’être bouclée – et les Messieurs qui m’ont fait l’honneur de venir me rendre visite. Ensuite un mot de remerciement à toute l’équipe technique de Viceland car, c’est grâce à elle que le choix des photos et des scènes a, incontestablement, parlé au public.
Viceland : quelques-uns disent « vaïeceland », donnant ainsi toute la connotation anglo-saxonne à l’expérience. Cependant, quelques jours après la diffusion du premier épisode, un jeune garçon m’ayant reconnu m’avait dit : Monsieur, vous êtes le Monsieur de Viceland ? Ici la prononciation était à la française. Et l’interprétation de ce jeune Monsieur m’a plu. J’ai adopté.
Oui, je suis le Monsieur de vislande.
Vis, selon le dictionnaire, est le substantif féminin qui définit une tige cylindrique ou conique faite d’une matière dure présentant une saillie hélicoïdale destinée à s’enfoncer en tournant dans du bois ou du métal.
Hors émission, un des Messieurs rencontrés, m’avait signalé que je « serrais la vis », autrement dit, que j’étais sévère. Je ne suis pas d’accord. En revanche, je reconnais que j’avais donné quelques « tours de vis », et cela, avec l’intention de rendre son discours plus rigoureux. Ici se devine mon côté campagnard, où je me donne la fonction psychanalytique de rafraîchir la lande aride, désertique, rase, désolée, sauvage. Ma visée est de les sortir, ces jeunes gens, psychiquement. Quelques-uns sont déjà sortis de leurs landes géographiques, sociales et même économiques. Mais quand la culpabilité déployant ses ailes est toujours là, le vol est mentalement tronqué. C’est ici, dans les parties ennuyeuses du discours, que Brel rappelle le regret d’avoir manqué l’école. Il manque du vocabulaire, des lettres, des êtres aimants. Cela saute aux ouïes.
A la fin du XIe siècle, vis était écrit viz, et désignait une pièce de métal cannelée en spirale qu’on enfonce en la faisant tourner sur elle-même. A la fin du XIIe siècle, lande définissait le terrain boisé. Il est temps de boiser les esprits arides.
En participant à cette émission, j’ai eu l’honneur de rencontrer des personnes qui, si elles n’avaient vu leur artiste parler d’eux avec les mots qui leur sont propres, n’auraient pas oser demander une rencontre avec un psychanalyste.
En voyant l’humanité de leurs rappeuses et rappeurs, ces personnes se sont dit qu’elles pouvaient aussi profiter de l’excellente psychanalyse française.