Chimiothérapie et psychothérapie – III
Fernando de Amorim
Paris, le 27 Mai 2020
« Pour les pauvres – c’est bien triste à dire et j’espère qu’on ne voudra pas interpréter ma remarque comme du cynisme – pour les pauvres […], les névroses ne signifient pas seulement une maladie, mais aussi un des éléments de l’autodéfense dans la lutte pour l’existence. Nous avons très souvent, lorsque nous exercions gratuitement, fait l’expérience que les pauvres ne voulaient pas se laisser libérer de leur souffrance avant qu’un changement fût intervenu dans leur situation matérielle. »
Sigmund Freud (Neurosen als Zeitkrankheit. Welche Heilerfolge hat die Psychoanalyse ? », Neue Freie Press, n° 24397, 14 aout 1932, p. 21 : Une interview retrouvée de Sigmund Freud, présentée par Jacques Le Rider, Revue internationale de psychanalyse, 1992, 5, pp. 613-17.
Un jour, Freud à Paris, dans une soirée chez Charcot, entend ce dernier répondre à Brouardel, professeur de médecine légale, que dans le cas d’hystérie, ce qui est en jeu c’est « toujours la chose génitale, toujours…, toujours…, toujours. ». Et Freud d’écrire ce qui suit : « Et ce disant, il [Charcot] croisa les mains sur le ventre et sautilla plusieurs fois, se soulevant et retombant avec la vivacité qui lui était propre. Je sais que je sombrai pour un instant dans un étonnement presque paralysant et me dis : « “Eh bien, s’il le sait, pourquoi ne le ne dit-il pas ?” » (Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique, XII, 256).
Le Ségur de la santé a commencé et c’est le moment d’examiner pour quelle raison notre système est périclitant, mais les psychanalystes ne sont pas invités à la discussion. La raison est que la médecine est la chasse gardée des médecins. Cette médecine de papa est balayée par une bestiole de taille microscopique. Il s’agit de ce que j’appelle faire de la médecine vétérinaire avec l’humain.
La médecine de ce siècle sera celle du partenariat. Un partenariat où soigner les personnes impliquera également de se pencher sur les aspects inconscients de son existence. Et pour ce faire, le diplômé en médecine n’a ni le temps, ni la compétence clinique.
Durant quinze ans dans un service de Médecine, je travaillais avec des malades atteints des maladies rares et de cancers. La conclusion de cette recherche clinique est la suivante :
La chimiothérapie associée à la psychothérapie avec un psychanalyste offre des résultats beaucoup plus intéressants que la chimiothérapie seule.
En plus, avec des économies de médicaments, d’hospitalisations et surtout d’apaisement psychique pour l’équipe soignante.
Je suis arrivé à cette conclusion en 2006 et hier, une patiente a confirmé cette conclusion. Aujourd’hui, mon épouse signale qu’une psychanalysante confirme aussi cette conclusion. De là ma citation de Freud : si l’on sait, pour quelle raison cela ne sera pas examiné davantage par les autorités ? Par le corps médical ?
Pour quelle raison ne pas associer officiellement les traitements organiques à la prise en charge psychanalytique des patients, et cela dès l’annonce du diagnostic ?