Affirmer dans un document sur ce qu’apporte la psychanalyse à l’université que « le jeu vidéo ne soigne pas tout seul : la relation avec le thérapeute… », (page 133), n’est pas banal.
Les « ENJEUX TRANSFERO-CONTRE-TRANSFERENTIELS ET MEDIATIONS NUMERIQUES », (page 133), sont une manière de signaler que dans la pièce se trouvent deux gamins, l’un vrai et l’autre attardé, au sens familier, bien sûr. Leur visée est d’échapper à la réalité par le virtuel.
Avons-nous de la psychanalyse à l’horizon ?
Un « jeu de vidéo spécifique, choisit pour le patient » (page 133), indique la présence du maître, du Moi, dans la décision méthodologique, technique et stratégique de la conduite de la cure. En psychanalyse, le maître, c’est le grand Autre, mais il est barré. « L’usage du jeu vidéo en psychothérapie » et ses mouvements « transféro-contre-transférentiels » ne peuvent que rester dans le registre imaginaire, c’est-à-dire qu’aucune construction subjective est à espérer.
Où est le psychanalyste ?
L’embarras épistémologique, avec les conséquences cliniques est telle que, sans savoir s’il faut proposer comme perspective de sortir de cure une trouvaille ou une création, on propose les deux (page 134), dans une relation à cinq pattes entre l’objet comme un autre soi-même.
Où est le psychanalytique ?
Mettre en évidence des « psychanalystes sans divan » c’est endosser une position bâtarde. J’invite vivement ces collègues à s’informer sur ce qui est fait au RPH comme réponse clinique à la position de psychanalyste d’aujourd’hui. Un psychanalyste sans divan, c’est comme un marin sans bateau, un poète sans plume, une danseuse sans jambes. Le divan est essentiel pour l’opération psychanalytique, pas pour le clinicien, mais pour que le psychanalysant puisse construire sa position de sujet. Il faut mettre en évidence ici, dans le choix d’une telle expression de « psychanalystes sans divan », la résistance de l’analyste : comme il n’a pas le courage d’être ou de continuer à occuper la position de psychanalysant, il freine ou ne laisse pas le psychanalysant devenir sujet.
Quand les auteurs font la promotion de ce que « le groupe devient objet de recherche en psychanalyse » (page 136), ils imposent leur lecture imaginaire au Moi, ce qui pousse inévitablement, vers le renforcement et non la castration de ce dernier.
Pour la première fois dans ce document, il est possible de trouver la formule « psychologue-clinicien-psychanalyste » (page 137), ainsi que « analyse psychanalytique », (page 137). Ce mélange de torchons et de serviettes risque de pousser à l’indigestion, sans que nous puissions trouver de la nourriture psychanalytique à table.
La phrase « Un des points forts de ces recherches en psychologie-clinique » (page 144), n’entre-t-elle pas en contradiction avec le titre du livre ? S’agit-il d’analystes ou de psychologues travestis en psychanalystes ?
L’usage de formules telles « psychiatres et psychologues qui se réfèrent à la psychanalyse », (page 152), « perspective psychanalytique » (page 153), installe la psychanalyse en tant qu’accessoire, hier de la psychiatrie, aujourd’hui des psychologues. Ces tentatives des êtres qui ne s’engagent pas véritablement avec leur désir de psychanalyste, dépossèdent la psychanalyse de son statut de science. C’est déplorable pour eux, c’est insultant pour la psychanalyse.
Ces formules, « Devenir mère, comme devenir père » (page 173), sont ambiguës, ce qui va de soi quand le praticien navigue sans savoir où il mène la barque. J’utilise l’expression, « être dans la position de mère » ou « être dans la position de père ». La fonction de clinicien consiste à engager l’être dans un rapport à l’Autre barré et non à nourrir une rhétorique aliénante. Qui sait du devenir ?
La « visite à domicile, thérapie conjointe, familiale, différents types de groupes, place des médiations » (page 174), est une proposition de psychologue, donc, inévitablement, elle mène tout ce beau monde dans le mur. Et cela, parce que la structure logique de la proposition thérapeutique est assise sur le gonflement de l’imaginaire et le renforcement du Moi.
Évoquer « l’éclairage psychanalytique » (page 174), équivaut à éteindre une bougie sans mèche dans un tunnel obscur, devant un aveugle. Offrir l’éclairage psychanalytique – le vrai – à ce genre d’expérience, revient à donner de la confiture aux cochons. La psychanalyse apporte une lumière, cela est une évidence, c’est un psychanalysant qui vous le dit. Cependant, quelques-uns, beaucoup même, tout en se réclamant de la psychanalyse, ne savent pas en voir sa valeur. La psychanalyse, dans leur bouche ou dans leur écoute, c’est du gâchis pur et simple.
La formule « même sans l’expérience personnelle d’une cure » (page 184), indique qu’on veut utiliser la psychanalyse comme guirlande, sans rien céder de son Moi. Une telle stratégie, accouche de « l’enseignant-chercheur, par ailleurs analyste » (page 184). Ces en-saignants-chercheurs saignent à blanc la psychanalyse. C’est pour cette raison, et il a raison, qu’il est analyste. Il est hors du registre symbolique, de la castration et du désir. Et c’est regrettable. Regrettable pour les étudiants, pour la psychanalyse et – peut-être m’avancé-je trop – pour son être.
Ils peuvent « transmettre de ce qui relève de l’expérience analytique » (page 185). Mais quid de ce qui relève de la construction, de la transmission de la psychanalyse à l’université ?
Il faut signaler que « relève » peut être entendu comme remplacement de quelqu’un dans une fonction. Comme disait Freud : « protégez-moi de mes amis, de mes ennemis, je m’en occupe ».
Introduire de « l’humain dans le soin » (page 191), est une proposition de psychologue. Le travail de psychanalyste est de faire en sorte que le Moi du malade, du patient ou du psychanalyste, puisse dégager, en prenant sa vraie place, celle du fruit de la passion mûr, et que l’être puisse devenir sujet, ce qui suppose qu’il a construit pendant sa cure, les bases de son existence, qu’il valide cette construction par sa sortie de psychanalyse, et qu’il mènera le reste de son existence à prendre soin de cette dernière.
Vers la fin du document, il n’est plus question de psychanalyste. Le psychologue revient au galop, c’est la version universitaire du Naturam expelles furca d’Horace dans « Epitres, I, 24 » (Edition Les Belles Lettres).
Le psychologue propose son triptyque (page 193), des séminaires pour renfoncer le Moi déjà fort des étudiants. Pas un mot sur la psychanalyse personnelle.
Il nous faut construire un dispositif scientifique pour la psychanalyse et non copier le protocole de la recherche expérimentale (page 194). Cela est possible avec de vrais psychanalystes, ce qui signifie de véritablement s’engager à ne pas céder de leur position de psychanalysant.
Je suis partant pour la transmission de la psychanalyse à l’université (page 196), bien évidemment, à condition que le corps enseignant articule cette transmission avec les écoles de psychanalyse car seuls, les universitaires ne peuvent pas assurer cette transmission.
C’est une évidence que la psychanalyse n’a jamais été admise, entièrement, en ce qui concerne sa clinique et sa théorie, à l’université. Les futurs psychologues « de formation psychanalytique » (page 196), ne seront ni psychologues, ni psychanalystes. Ils seront comme sont leurs aînés : cliniquement perdus et théoriquement éteints.
La proposition de la page 196 est intéressante pour la formation du psychologue à cinq pattes. Mais, l’essentiel pour devenir clinicien, la psychanalyse personnelle, n’est pas évoquée. Comme disait ma grand-mère : « tout ça pour ça ! ».
Les moyens sont là, et les psys à l’université offrent un résultat social, économique, scientifique, finalement minime au regard des moyens qui leur sont donnés.
Debout les morts ! C’est le message que j’adresse à leur Moi.
Pour la rigueur exigée par le discours universitaire, la citation de Lacan commence à la page 97 de ses « Écrits » et termine, effectivement, à la page 418. Il est important d’exiger de la rigueur des étudiants, à condition de ne pas improviser quand c’est à votre tour d’en faire montre de cette rigueur.