Le transfert
Fernando de Amorim
MM, le 29 octobre 2022
Le transfert n’est pas une dépendance. Ni non plus une croyance. Il est une tentative de l’être de donner une direction à la libido stagnante. Ainsi, en s’appuyant sur le clinicien, le transfert devient une répétition qui peut prendre, dans l’appareil psychique freudo-lacanien, trois destins libidinaux :
α) une représentation psychique (les symptômes psychiques)
β) une reproduction corporelle (les symptômes sans lésion)
γ) un appel (dans les cas des maladies organiques)
Concernant les deux premiers destins de la libido, ils peuvent être dénoués si l’être rencontre un clinicien habilité à occuper la position d’objet a, le rien. Pour le dernier destin, il est tout d’abord impératif que l’être, ici dans la position de malade, soit examiné par son médecin ou par un chirurgien. Cette consultation médicale n’empêche pas que le psychanalyste soit installé dans la relation thérapeutique, c’est ce que j’avais appelé clinique du partenariat ; ou que le médecin ou le chirurgien adresse le malade au psychanalyste, greffe transférentielle que j’avais appelée cônification du transfert.
Dans les deux premiers cas – qui signifient que le Moi de l’être est dans la position de patient ou de psychanalysant –, le transfert s’adresse à l’Autre non barré et non au clinicien comme on le pense encore de nos jours. Le transfert est une répétition représentée par des symptômes psychiques ou corporels, preuve qu’il fait souffrir le Moi. Mais le symptôme produit aussi de la jouissance, jouissance propre aux organisations intramoïques. Le Moi, lui, ne jouit pas, il souffre.
La résistance à la castration est représentée par la jouissance sous forme de bénéfice retiré par les organisations intramoïques (Autre non barré et résistance du Surmoi) avec l’intention d’accabler le Moi.
Dans le cas des maladies organiques, le psychanalyste dans la position de psychothérapeute, s’occupe tout d’abord de : a) faire naître le transfert, b) installer le transfert et c) nourrir le transfert. Ensuite, lorsque le malade devient patient, la direction de la cure prend la voie aquatique propre à la conduite d’une psychothérapie ou d’une psychanalyse.
Limiter le transfert à la relation du patient envers le clinicien dans la position de psychothérapeute ou de supposé-psychanalyste, est un procédé tombé en désuétude. Critiquer Freud ou Lacan sur des erreurs propres à leur avancée au moment de leurs recherches est une marque de mauvaise foi. Et bien évidemment que prendre appui sur l’astronomie ou la biologie pour critiquer la non scientificité de la psychanalyse est une façon de faire pour le moins expéditive : les étoiles ou les souris n’ont pas de transfert, ne se plaignent pas et n’ont pas de complexe d’Œdipe, l’autre nom de la relation tumultueuse entre le Moi et l’Autre non barré.
Le transfert n’est pas une croyance. Certes, le Moi croit que le psychanalyste pourra l’aider. Il n’a pas tort. Le problème c’est lorsque le psychanalyste croit avoir ce pouvoir. Cette croyance est la base du transfert imaginaire et est propre à la relation médecin-malade, guérisseur-malade, psychothérapeute-patient, marabout-croyant. Et non à la relation psychanalyste-malade ou psychanalyste-patient où, comme écrit plus haut, le Moi croit, le psychanalyste non. Ce type de transfert, transfert imaginaire, n’est pas au rendez-vous entre le supposé-psychanalyste et le psychanalysant. Dans cette dernière position, l’être ne croit plus au supposé-psychanalyste, il construit son désir en s’appuyant sur l’Autre barré, à condition que le psychanalyste occupe la position d’objet a, le rien. C’est à partir du rien que l’être est né, donc il est fondamental qu’il construise son existence à partir du rien, propre à la position du supposé-psychanalyste, construire son existence. Existence qui l’amènera à sa mort, le rien.