Fernando de Amorim
Paris, le 27 novembre 2022
Dans Le Monde d’aujourd’hui, les praticiens de l’hôpital Robert-Debré s’inquiètent de l’augmentation des troubles psychiques chez les enfants et les pubères.
Les pensées suicidaires et les tentatives de suicides chez les jeunes doivent inquiéter le corps soignant, évidemment, mais il est important de vérifier ce qui est proposé pour apporter une aide solide à cette jeunesse souffrante.
À la fin de l’article, il est évoqué pour « dépister les signes de détresse psychologique et d’évaluer les effets de l’EMDR » une « thérapie de “désensibilisation et reprogrammation par mouvement des yeux” [les guillemets sont dans l’article] validée dans les psycho-traumas et certaines dépressions. »
Dans tout l’article, il est courant de lire des enquêtes « menées en ligne », pour les patients comme pour les professionnels. Et de ces enquêtes des conclusions sont tirées sans aucun appui du transfert (processus d’actualisation sur certains objets des désirs inconscients), sans aucun examen du rôle du Moi (instance structurellement aliénée et aliénante) et des organisations intramoïques (la résistance du Surmoi et l’Autre non barré) des parents.
Il faut signaler que « les troubles mentaux représentent le premier poste de dépenses du régime général de l’Assurance-maladie par pathologie (19,3 milliards d’euros), devant les cancers et les maladies cardio-vasculaires. » Je propose comme réponse clinique, sociale et économique la CPP-Consultation Publique de Psychanalyse et, pourtant, aucune autorité décisionnaire ne répond à mes appels du pied.
Le jour où l’Assurance deviendra santé – Assurance-santé – il sera possible de voir la politique de santé publique investir en la CPP car, dans cette consultation, le patient est responsabilisé de ce qui lui arrive, ce qui est différent de le culpabiliser. Le rôle de l’appareil psychique parental est aussi examiné, ce qui signifie aussi responsabiliser les parents et non les culpabiliser car si un clinicien veut savoir sur ce qui pousse un jeune à se défenestrer ou se pendre, il ne peut pas passer à côté de la position de l’appareil psychique des parents dans la vie de ces jeunes.
Ces praticiens sont-ils véritablement cliniciens ? Sont-ils aptes à recevoir les foudres du Moi et des organisations intramoïques parentales ? Sont-ils suffisamment solides pour gérer le tsunami qui se déchaînera sur eux ? J’en doute fort.
Les psys qui ont pris parti dans cet article ne mettent pas sur la table le désir de mort, la haine, parentale et filiale. Comment faire clinique sans évoquer le b. a.-ba du désir humain ? Ce n’est pas possible.
En fin de compte, il n’y a pas de clinique. Il y a semblant, il y a des plaintes des soignants, des demandes d’argent, des inquiétudes pour la vie de ces jeunes. Mais de tout cela, même si légitime, rien qui fasse clinique. Au XIIe siècle, L’enfer, selon Bernard de Clairvaux, est plein de bonnes volontés ou désirs. La détresse de ces jeunes est vraie et les moyens pour les examiner sont vains.
Actuellement, les membres du RPH-École de psychanalyse assurent des consultations téléphoniques avec des techniques et méthodes issues de mon interprétation de l’enseignement psychanalytique freudo-lacanien. Aucun suicide, depuis 1981, n’est à déplorer dans ma clinique ou dans celle de mon équipe. Pour quelle raison ? Parce que, face à la pulsion de mort, je pose la question au Moi s’il s’agit d’agressivité. Si cette technique échoue, de la position du grand Autre prime (Ⱥ’), j’affirme aux organisations intramoïques qu’il s’agit d’agressivité. Le pas suivant est d’examiner à qui le Moi du patient adresse cette agressivité.
La visée est que la pulsion de Mort s’exprime par association libre avec le clinicien habilité à occuper la position de psychanalyste, et non par passage à l’acte.
Pour quelle raison ne pas utiliser ce dispositif à l’hôpital ? Avec les jeunes ? Parce que le majeur n’aime pas. Pour cette raison il se venge. En silence. Par omission.