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Le choix sexuel

Fernando de Amorim
Paris, le 21 avril 2023

Pour J.-B. L.

Le choix sexuel est une décision de l’être avec l’Autre barré. C’est un choix par structure. Le choix sexuel par symptôme est un arrangement, une négociation, un compromis de l’être non encore constitué avec le Moi en formation. Il s’agit d’un alignement entre l’être et le Moi.

Dans le schéma ci-dessous, le lecteur pourra saisir la logique de mon raisonnement :

 ÊtreMoiStructure
Homosexualité comme structurePlaisirIncorporation du discours de l’Autre (A)Perversion
Homosexualité comme symptômeJouissanceIdentification au discours de l’Autre (A)Névrose

Dans lhomosexualité comme structure, l’être tire du plaisir de son choix sexuel, et cela parce qu’il est d’accord d’occuper cette position. Ici, l’être cède de la castration, dispositif qui exige la reconnaissance de la différence sexuelle, pour s’aligner avec le discours de l’Autre non barré (A). En d’autres termes, il est chez lui. Cette incorporation du Moi est propre à la manière dont l’être homosexuel vrai retire du plaisir sexuel de sa relation avec l’autre (a’).

Dans lhomosexualité comme symptôme, il n’est pas question de plaisir mais de jouissance, ce qui est articulé avec les organisations intramoïques. Il s’agit d’une identification du Moi au discours, voire au désir de l’Autre non barré (A). Il est possible, au moment de l’entrée en psychanalyse, que le Moi névrosé ou le Moi psychotique se prenne pour un être homosexuel, mais qu’à la sortie de psychanalyse le Moi abdique ce choix puisqu’il n’est pas le sien : c’est l’effet de dégonflement du Moi et de castration imaginaire. J’y reviendrai. Il est possible que l’être homosexuel puisse avoir un Moi pervers, névrotique ou psychotique. Mais cliniquement, ce n’est pas le choix sexuel de l’être qui intéresse le clinicien, mais sa souffrance, qu’elle vienne de l’être ou du Moi. Il faut être vigilant à savoir si la souffrance est portée par l’être seul, par le Moi seul, ou par les deux. Le vrai engagement se situe quand l’être et le Moi s’alignent pour porter la souffrance chez le psychanalyste. Il faut aussi mettre en évidence que c’est le Moi qui empêche l’être, avec le consentement de ce dernier, de construire son désir vrai. Le désir vrai est construit à partir du désir de l’Autre barré (Ⱥ).

 ÊtreMoiStructure
Hétérosexualité comme structurePlaisirIncorporation du discours de l’Autre barré (Ⱥ)Névrose
Hétérosexualité comme symptômeJouissanceIdentification au discours de l’Autre barré (Ⱥ)Psychose
Perversion

Dans lhétérosexualité comme structure, l’être tire du plaisir de la différence sexuelle de l’autre, même si cet autre lui renvoie l’image du même en lui, à ne pas confondre avec une quelconque homosexualité. Le plaisir tiré de la différence de l’autre est possible parce que l’être est d’accord avec la castration. Dans ce choix, l’être accepte d’être castré, ce qui est la preuve de sa reconnaissance et son acceptation de la différence sexuelle. Cette acceptation est possible parce que, d’abord, l’être s’aligne avec l’Autre barré. En d’autres termes, l’être vit dans la différence sexuelle, ce qui n’est pas forcément aisé pour le Moi, preuve en est la difficulté – mépris, agressivité, voire violence – qu’a le Moi infantile, pubère, et même adulte, envers celles qui possèdent une vulve. Cette incorporation par l’être du discours de l’Autre barré signe le choix de l’objet hétérosexuel.

Dans l’hétérosexualité comme symptôme, il n’est pas question de plaisir mais de jouissance, ce qui est articulé avec les organisations intramoïques. Il s’agit d’une identification du Moi au discours, voire au désir de l’Autre non barré (A). Il est possible de trouver un Moi névrosé ou un Moi psychotique qui se prenne pour un hétérosexuel, mais à la sortie de psychanalyse, le Moi abdique ce choix, puisque ce n’est pas le sien. Il est en fait homosexuel. Il est possible que l’être hétérosexuel puisse avoir un Moi pervers, névrotique ou psychotique. Mais cliniquement, ce n’est pas le choix sexuel qui intéresse le clinicien. Comme pour le Moi et l’être homosexuel, c’est le Moi hétérosexuel ainsi que son être, qui empêchent la construction du désir vrai, castré, à partir du désir de l’Autre barré (Ⱥ). Ce désir vrai, castré, n’est pas incompatible avec une homosexualité.

Pour quelle raison je me limite à l’homosexualité (l’attirance du Moi par l’autre de même sexe) et à l’hétérosexualité (l’attirance du Moi pour l’autre de sexe différent) ? Pour quelle raison n’étudie-je pas la bisexualité, l’asexualité, la pansexualité, le cisgenre, transgenre, l’agenre, l’aromantique, l’asexuel, le graysexuel, le lithromantique, le panromantique, le polyamoureux, le queer-platonique, ou le sapiosexuel ?

Parce qu’il s’agit de dérivatifs du Moi.

La visée clinique n’est pas d’étudier le choix sexuel mais de faire en sorte que le Moi soit dégonflé, que l’imaginaire soit castré et que l’être, indépendamment de son choix sexuel, arrive à bon port (Cf. Carte de trois structures), à savoir un continent, la possibilité d’une île ou à un mouillage, signe qu’il est sorti de psychanalyse et qu’il occupe, à ce moment-là, la position de sujet. C’est dans cette position que le sujet portera en lui la castration de l’Autre barré, ce qui fera de lui un sujet à la sortie de sa psychanalyse et qui fera de lui un sujet barré s’il choisit de construire son existence. La réussite d’une telle construction viendra après la mort du sujet barré. Indépendamment de son choix sexuel.