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La radicale condition de l’être

La radicale condition de l’être

Pour une psychanalyse scientifique (V)


Fernando de Amorim

Paris, le 24 octobre 2023

Au jeune Noah

Quand le malade, le patient ou même le psychanalysant affirme savoir, « Je sais ! », il ne sait pas car, quand l’être sait vraiment, un changement libidinal s’opère.

C’est la différence entre le savoir faux du Moi et le savoir de l’être barré, dans la position de psychanalysant ou dans la position de sujet.

Le vrai savoir produit un effet transformateur dans la voie que prend la libido : l’être porte son désir dans son verbe, la pulsion dans son action, la libido dans son corps.

La clinique avec les enfants est l’expression de cette logique. À Rennes, un nourrisson « tout juste né » a été trouvé dans un conteneur souterrain vendredi dernier. De la libido pure qui fait appel par des cris. Un autre, son semblable, sa compatriote humaine qui descendait ses poubelles et qui sait faire la distinction entre la chose et l’objet appelle à son tour pour que cet organisme devienne humain. Elle incarne l’Autre barré prime (Ⱥ’), ainsi que le sapeur-pompier, la sage-femme et le médecin qui ont reconnu ce nouveau-né comme faisant partie de la communauté humaine, en le nommant Noah Briac Alban.

Ça y est, le divin enfant est parmi nous !

« D’où viens-je ? » Cette question peut justifier le passage sur le divan si elle prouve le désir de l’être à devenir sujet.

C’est grâce à Lacan, guidé par Hamlet, que j’ai mis en place un dispositif scientifique pour justifier le passage du fauteuil vers le divan, de la psychothérapie vers la psychanalyse. Il m’a fallu plus de trente ans de psychanalyse pour déchiffrer le passage et proposer une réponse à cet énigme clinique. Adieu les formules malheureuses, hasardeuses et maladroites d’entrée en psychanalyse.

La scientificité de la psychanalyse se trouve dans l’analyse d’un rêve, d’un dessin d’enfant, à condition que le clinicien utilise les techniques et la méthode propres à la psychanalyse.

Le diagnostic structurel est nécessaire pour la conduite de la cure. Il est utile au clinicien, il est sans intérêt pour le malade ou le patient. La clinique psychanalytique n’est pas la clinique médicale. En briguant des gallons de scientificité, le psychologue et le psychiatre se sont engouffrés dans cette logique médico-chirurgicale. Ils s’y cassent les dents au quotidien. Le Moi est friand de diagnostics. Ainsi il montre son pouvoir et son identification avec la médecine organique, discipline où le diagnostic a son importance et bien sûr sa nécessité. Ce n’est pas le cas en psychanalyse. Le psychanalysant n’a pas à savoir son diagnostic, le psychanalyste a le devoir de poser un diagnostic structurel car c’est ce dernier qui déterminera si la cure vise le NO (Nord-Ouest) pour la névrose, le OSO (Ouest-Sud-Ouest) pour la perversion, ou ESE (Est-Sud-Est) pour la psychose (CfCarte des trois structures), ainsi que la manière de conduire la cure. La psychanalyse d’un névrosé ne se déroule pas comme celle d’un pervers ou d’un psychotique.

Cette logique est radicalement différente de cette manière faussement scientifique du DSM de déclarer qu’un enfant est autiste quand, quelques mois après avoir rencontré un psychanalyste, il n’est plus question d’autisme. En d’autres termes, la psychiatrie nord-américaine change de THADA pour TDAH comme de chemise. Ce n’est ni sérieux ni rigoureux, ce n’est pas scientifique.

Cette pratique diagnostique est un protée qui n’a rien à voir avec la psychanalyse. Un diagnostic tombe comme un fruit et non en faisant le mur pour voler des pommes. Les pommes mûres viennent au clinicien, à condition de savoir les reconnaître pour les cueillir.

Un diagnostic génétique ne change pas avec le temps, ce n’est pas parce qu’un enfant devient adulte que son diagnostic génétique change. Si le diagnostic change c’est bien qu’il n’est pas question de génétique dès le début. Donc le diagnostic est erroné dès le départ. Il ne s’agit donc pas d’une maladie comme expression du Réel, mais d’un Imaginaire ancré et mélangé au Symbolique.

Dans ce cas de figure, il n’est pas question de médecine, mais cela exige bel et bien la présence du psychanalyste.

Ces arrangements rhétoriques – « causes génétiques et environnementales » – sont des manières de ne pas admettre l’incompétence et la nécessité urgente de faire une psychanalyse, d’étudier la psychanalyse.

Trancher ces arrangements rhétoriques exige que le psychiatre compte avec le psychanalyste et que ce dernier compte avec les parents. Sans un travail en équipe – à savoir, le médecin, le psychanalyste, les parents –, il me semble difficile d’aider l’enfant.

Dans cette logique, n’importe quel enfant malade est dans la position du jeune Noah. Toutes proportions gardées.