Le psychiatre compte avec le médicament, le psychologue compte avec la demande. Dans les deux situations, ils comptent avec l’essentiel qui se trouve ailleurs. Le psychanalyste n’a pas de navire de charge, il charge son navire avec ce qu’il peut porter pour la navigation psychanalytique. Il ne fait pas du commerce, il est passeur. Tout ce dont il a besoin est au cœur du bateau psychanalytique : le désir, le transfert, l’être malade, patient, psychanalysant. Le psychiatre et le psychologue, comme le comte Louis-Antoine de Bougainville, qui a mené la première circumnavigation française, partent faire le tour du monde dans une frégate comme la Boudeuse, mais apportent avec eux ce dont ils ont besoin hors de portée de main, dans l’Etoile, une flûte, un navire de charge, comme l’officier de marine cité ci-dessus.
Dans plusieurs passages de son journal, Bougainville se plaint que l’Etoile le retarde. Ce manque de fluidité n’est pas le privilège des psychiatres et psychologues. Le psychanalyste prisonnier d’une technique extérieure aux exigences de la cure souffre de ce ralentissement. La résistance du clinicien est l’exemple même d’un bateau qui fait de l’eau.
L’affaire de l’Etoile et de sa voie d’eau qu’il avait « dès le commencement » était tellement sérieuse que Bougainville avait pensé, à Montevideo, décharger, virer en quille le bâtiment pour découvrir et « fermer cette voie d’eau qui paraissait être très basse et de l’avant ».
Nous avons ici l’exemple de ce qu’une rencontre psychothérapeutique qui commence de travers ne trouvera pas son rythme. Pas un rythme de croisière – ne nous demandons pas l’impossible – mais un rythme qui puisse supporter les intempéries du réel, du symbolique et de l’imaginaire.
Une cure où le clinicien n’examine pas, en détail, la résistance du surmoi, risque de très rapidement faire naufrager la navigation psychanalytique. Bien entendu je n’exclue pas ici la résistance de l’être, mais celle-là aussi relève de la responsabilité du clinicien de savoir la dénouée.
A un moment donné, Bougainville dit que sa frégate, la Boudeuse donc, « marchait très mal, dérivait outre mesure, et l’Etoile avait sur nous un avantage incroyable ».
Voici l’exemple même de ce que la résistance, représentée ici par l’Etoile, peut prendre le dessus de la navigation clinique, représentée ici par la Boudeuse. Mais nous pouvons aussi dire que la Boudeuse, le bateau où se trouve le moi – si le lecteur me permet de représenter ainsi Monsieur de Bougainville – est dépassée par une autre partie consciente du moi.
Dans la clinique des pensées et du corps, il est préférable de compter avec ce que nous avons et non pas avec ce qui n’est pas à portée de la bouche et de l’ouïe.
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