Fernando de Amorim
Paris, le 3 novembre 2023
Faire l’effort de produire des travaux de niveau scientifique, parce que le scientifique cherche la rationalité appliquée à des observations aussi objectives que possible, ne donne pas, à ce qu’il est habituel d’appeler science de l’homme, le statut de science.
L’effort du scientifique, pas plus que sa volonté, n’est suffisant pour faire science. L’effort du scientifique est l’expression de son Moi. C’est l’être, poussé par un désir qui l’anime et qu’il ignore, qui sera pour lui probablement toujours inaccessible, qui fait naître la science. Il ne fait pas science, il opère avec méthode, puis science se fait, comme le fruit du travail. La science est le travail rigoureux, tel un fiat lux, et le fruit de la science, c’est le dévoilement d’un bout du Réel, le et facta est lux. L’être du scientifique est poussé par l’Autre barré. À la différence du Moi, l’être ne lutte pas contre ; il danse avec.
Mettre en place la recherche de la rationalité, l’observation ne sont pas des critères suffisants.
En psychanalyse, la fonction du psychanalyste n’est pas la rationalité, c’est de faire en sorte que l’être construise sa position de sujet. Il n’observe pas puisque le psychanalysant n’est pas un être vivant comme un rat ou un Indien amazonien. Toutes les personnes étudiant l’homme qui se sont engouffrées dans cette logique d’observation se sont cassé les dents épistémologiquement parlant. Ils ont accouché de résultats issus de leur Moi, ce qui ne peut se traduire qu’en une interprétation imaginaire du fait observé.
Il n’y a pas d’observé ou d’observateur en psychanalyse, c’est la raison pour laquelle elle n’est pas une science humaine.
Les injonctions du Moi viennent des organisations intramoïques (résistance du Surmoi et de l’Autre non barré). L’être ne reçoit pas des injonctions du Réel. Ce dernier, sans intention, force l’être à disparaître ; la gravité et la mort m’en sont témoins. Il n’y a aucune intention visant l’être dans le Réel et un de ses représentants, la nature. Les interprétations que l’être fait de la nature sont des interprétations soufflées par le Moi. Tel un élève paresseux, l’être écoute le Moi et produit des interprétations imaginaires.
La position féminine que je constate dans la position du sujet à la sortie de la psychanalyse n’a rien à voir avec l’objet féminin. La position féminine n’exclu nullement la virilité de l’homme, pas plus qu’elle n’exclut la féminité, l’expression phallique des artifices et artefacts détachables chez la femme – chausser des talons aiguilles n’est pas du même registre phallique que de se faire poser des prothèses mammaires. Position féminine signifie incarner la place, et non la position, de la castration, indépendamment de la génitalité de l’être.
L’amour n’est pas uniquement du registre de l’Imaginaire. Il est peut-être l’unique expression de la relation humaine entre les êtres où il est possible de trouver à articuler le nœud borroméen lacanien.
De l’impossibilité de rencontre avec l’objet perdu, l’être trouve un objet avec lequel il essaye d’entrer ou d’être mis en contact sans pourtant jamais y arriver, ce qui nourrit la pulsion sexuelle. La rencontre des corps sans succès est ce qui pousse à la prochaine rencontre sexuelle, avec les fantasmes qui sont introduits pour nourrir la flamme, avec les mots qui viennent apporter son éphémère mais essentielle sustentation, afin de mettre en évidence la présence de l’amour dans ce qu’il peut apporter de paix à vivre ensemble. Il ne s’agit pas ici d’un vivre ensemble bidouillé par des fonctionnaires et politiciens idéologues d’une mairie d’une certaine capitale européenne, mais de la tension entre les trois registres qui se maintiennent articulés parce que les êtres se sont mis d’accord de tourner autour de l’objet perdu pour eux, pour justifier de se tenir compagnie dans le parcours quotidien de chacun.
Parier sur l’amour articulé à l’Imaginaire c’est parier sur la tristesse. Parier sur l’amour articulé au Réel c’est parier sur la recherche de la baise àchaque instant, avec plusieurs partenaires, tout le temps. C’est l’injonction propre à la jouissance des organisations intramoïques, et non du Surmoi, comme l’ont interprété Freud, puis Lacan dans le sillage de ce dernier. Parier sur l’amour articulé au Symbolique c’est prendre la voie de l’amour courtois, de l’adoration d’une dame. Cela est bon pour la poésie, pour l’hystérique. Ici je profite de la beauté de la langue française où l’hystérique fait référence à ces femmes qui craignent la bite en érection et à ces hommes sans érection. En d’autres termes, au cœur du mot hystérique se trouve l’érection phallique imaginaire des femmes et l’adoration (puisque toute adoration est phallique) des hommes envers leur mère. Une femme normale attend de son partenaire d’être pénétrée avec un organe masculin dur, un homme normal pénètre avec disposition et non avec hésitation, comme s’il était en train d’entrer son sexe en érection dans le sexe par lequel il est venu au monde. C’est vrai qu’il ne faut pas sauter sa maman, mais il faut le dire cela aux impuissants, et surtout à ceux qui crient à tue-tête que le complexe d’Œdipe est un « truc du passé ! ». Le paradis était vraiment fabriqué pour les innocents.
Ce n’est pas avec du Viagra ® que les hommes bandent, c’est quand ça manque. Le même manque qui fait que les femmes désirent se faire pénétrer.
Ce sont les morts-vivants, ceux qui ne sont plus dans la partie sexuelle – sexuelle et non génitale, même s’il ne faut pas oublier que le génital est humide, dur, à l’intérieur du sexuel – qui se vantent, qui proclament être des morts-vivants.
Un psychanalyste n’est pas un mort-vivant. S’il se considère comme tel, il est déjà mort, peut-être comateux, mais surtout pas psychanalyste. Surtout pas !