Fernando de Amorim
Paris, le 28 septembre 2024
Édith m’informe que Le Monde publie un article, mardi 24 septembre 2024, sur le TDAH. Il concerne un « guide pratique pour améliorer le diagnostic » paru sous la responsabilité du professeur Olivier Bonnot. Manquant de temps pour lire le quotidien le jour même de sa parution, elle ne prend connaissance que le vendredi en soirée de cet article qui arrivera sur mon bureau le lendemain, aujourd’hui, le samedi. C’est cela le quotidien d’un psychanalyste depuis Freud : la clinique, la recherche, l’étude, du matin au soir. Je note que les détracteurs de la psychanalyse, eux, ont le temps pour écrire n’importe quoi. Des esprits éteints, s’ils n’en ont jamais eu un.
Il s’agit d’investir dans le diagnostic ? Mais le diagnostic est utile en médecine. Pour la clinique avec un être humain, le diagnostic est utile au clinicien pour savoir par où conduire la cure. Raison pour laquelle je trouve absurde d’associer les techniques de dressage du Moi comme les TCC – Techniques et non Thérapies Comportementales et Cognitives – à la psychanalyse, car la visée de celle-ci est que l’être, qu’il soit autiste, aveugle, orphelin, manchot, agité, en deuil, puisse devenir sujet, c’est-à-dire : apte à construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée.
L’article met en avant des techniques qui visent à gagner de l’argent sur la souffrance des parents. Là encore le bât blesse quand, dans la liste dressée des thérapeutiques non recommandées, on trouve « la thérapie psychanalytique » avec l’entraînement cognitif et autres préciosités. Cela démontre une ignorance évidente de la part de ces censeurs entraînant des conséquences fâcheuses pour les enfants et leurs parents. Mais pas pour la psychanalyse. La population qui vient chez le psychanalyste est normalement argentée. Avec Lacan, les désargentés et les psychotiques ont commencé eux aussi à profiter d’une écoute jusque-là inimaginable.
En revanche, j’apprends que les TCC se font désormais appelées TCCE, « E » pour émotionnelles ; à quand le « + », comme pour cette autre communauté qui n’en finit plus de s’agrandir ? En d’autres termes, l’embarras face à la libido, à la pulsion du désir des parents et du désir de l’enfant. Le médecin, dans la position de maître, indique ce qui doit être fait, en l’occurrence ici de la « psychoéducation », tout en se précipitant à affirmer que ce n’est pas « la faute des parents. » Quelle lâcheté ! Ils préfèrent être du côté du Moi que de celui de l’être.
Et pourtant, parfois, c’est la faute des parents. Le clinicien se doit d’apaiser cette faute cliniquement, tout en les responsabilisant vis-à-vis de leur enfant.
La HAS, ayant la position de haute autorité, ce qui n’est pas rien, prend la décision de suivre la voie du renforcement du Moi sans qu’à aucun moment il ne soit question du désir parental. C’est une erreur stratégique immense de confier à un groupe de personnes qui s’appuient uniquement sur la clinique de l’organisme – je veux parler de la médecine – la responsabilité/tâche de produire une voie possible pour des parents perdus mais pour autant déterminés à ne rien savoir sur le message adressé par la souffrance de leur enfant.
Cet article ne nous apprend rien cliniquement, il jette une lumière crue sur des esprits éteints qui s’échinent à éteindre ce qui reste de pulsion, quand bien même elle est incontrôlée, chez ces enfants.
Or, un partenariat avec les psychanalystes est une solution possible, car la souffrance – fruit d’une blessure narcissique – nécessite des médecins et des parents engagés à aider ces enfants, ainsi que des psychanalystes.
Malheureusement le projet semble correspondre davantage à mettre sous le tapis l’essentiel, c’est-à-dire le désir : « Couvrez ce désir … » que les Tartuffe ne sauraient voir.
Contrairement à ce que soutient le médecin, ce n’est pas parce que le symptôme disparaît que le malade est guéri. C’est là le bémol discordant qu’apporte à la clinique médicale, psychiatrique, au Moi de l’humain, la psychanalyse. La psychanalyse et non la « thérapie psychanalytique », qui n’existe pas.
La France n’a pas assez de psychiatres et de pédopsychiatres, mais la HAS ne se penche pas sur ma CPP – Consultation Publique de Psychanalyse – et ses résultats cliniques pour améliorer la santé des Français placés sous sa haute tutelle.
Je constate que les psychanalystes ne réagissent pas pour interpeler les autorités sur une telle décision ; la raison, pour moi, en est que c’est parce qu’ils ne sont pas psychanalystes mais bien analystes (mi-psychiatre, mi-psychologue et mi-psychanalyste). Le résultat est qu’ils ne se lancent pas dans une discussion clinique, qu’ils n’interpellent pas les contempteurs de la psychanalyse pour les instruire sur ce qu’elle est. Pour leur répondre, je quitte mes activités.
Je reçois des enfants souffrant de difficulté de concentration, d’inattention prolongée, d’agitation. Les parents les appellent TDAH ou autistes ou encore psychotiques. L’amélioration de leur situation, grâce au soutien parental, fait que le diagnostic s’éloigne. C’est précisément ce fait qui étaye mon instigation à ce que les personnes travaillant avec les enfants se réunissent pour discuter clinique, clinique apportant un résultat examiné par tous les concernés.
Les détracteurs de la psychanalyse, à vrai dire, accablent l’être ; ils sont complices de cette organisation moïque, mais ô combien humaine, d’empêcher l’enfant de grandir pour devenir un homme ou une femme bien. Ces enfants ne sont pas traités en sujet mais en objet, voire en chose et un certain nombre de Moi ayant autorité nourrit cette logique moïque de destruction d’une possible subjectivité de l’être.
À partir d’études comparatives, de lectures de bibliographies, un certain nombre de personnes est arrivé à la conclusion de l’inefficacité de la psychanalyse. Cela ressort davantage à un commérage scientifique. Étudier des enfants américains ou allemands et transposer les éléments de l’étude à la clinique de l’enfant Pierre, né à Sarcelles, indique un biais méthodologique qui n’aboutit pas à une conclusion solide. Le « guide » suprême porté par la « Haute Autorité » sacrifie une possible subjectivité pour la raison que ses experts ont suivi une fausse route épistémologique. Avant que d’être psychanalyste, je suis un psychanalysant et, contrairement aux négateurs de la psychanalyse, aux analystes et aux amis de la psychanalyse, je constate qu’elle fonctionne, qu’elle donne de beaux fruits. Où se trouve le problème ? Précisément dans le fait que les gens qui parlent de psychanalyse ne savent pas la défendre ou l’attaquent par ignorance.