Fernando de Amorim
Paris, le 11 décembre 2024
À O. F. et S. V.
Tout est activité chez l’être humain. La passivité est une caractéristique de l’aliénation propre au Moi.
La présence du fantasme originaire dans une psychanalyse raconte au clinicien la fonction dudit fantasme.
Le fantasme originaire indique que le Moi a été mis en place par l’être pour qu’il puisse prendre sa retraite. Au moment où le clinicien rencontre le fantasme originaire, il sait que la psychanalyse approche de son terme et que l’être est apte à s’accoucher de sa position de sujet, sa vraie naissance. Si la naissance biologique est celle reconnue par tous, identifiés et aliénés qu’ils sont, la naissance du sujet indique qu’il est prêt à construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée. Quelqu’un qui dit être sorti de psychanalyse et s’engage avec un analyste, un praticien qui n’est plus en psychanalyse, aura tendance à retourner à l’embouchure (Cf. Carte des trois structures). Entre aliénés, ils s’entendent, mais cela n’accouchera ni d’une psychanalyse personnelle ni d’une conduite rigoureuse d’une psychanalyse.
Il n’y a pas de position passive chez l’être humain. La passivité, c’est l’activité du Moi à résister, par décision de l’être. Comme dit plus haut, la naissance du Moi indique la décision de retraite de l’être. Pour cette raison, un nain est nommé Bébé. L’être est vieux dès sa naissance. Cela est validé par le discours sociétal tout entier. Face à une telle puissance, la société humaine, la symbolique, la française, ne peut pas tenir la pression. De là l’introduction des discours moyenâgeux. En d’autres termes, la France du XXIe siècle contaminée par le discours islamiste est la France du Ve au XVe siècle : barbarie, ignorance et cupidité du Moi, le tout concentré en communauté, au nom de dieu. Comme le Moi est aliéné, il n’apprend rien de l’Histoire.
La position d’observation, qu’elle soit du scientifique, de l’analyste, de l’enfant, est l’indicateur de la lecture misérable et miséreuse de l’être humain.
L’observation du Moi est sa manière de « résister à la castration »1. Le Moi n’a rien à faire aux bords de l’intimité parentale.
Dans Les voies de la formation du symptôme, il est question d’un registre encore plus extrême, à savoir « la fantaisie de l’observation du coït parental, alors qu’on se trouvait encore dans le ventre de la mère, avant que d’être né »2. En d’autres termes, le Moi invente un fantasme pour éviter le rien, rien qu’il a déjà vécu à sa naissance, mais qu’il trompe lui-même et son interlocuteur, le clinicien, en l’envoyant à un moment où il n’était même pas né. La distinction à faire entre un fantasme vulgaris et un fantasme originaire est que ce dernier indique au clinicien que le psychanalysant a traversé la mer d’Œdipe et que la traversée dudit fantasme, avec les symptômes présents à l’entrée de la cure et disparus à la sortie, est la preuve que l’être a réussi à construire un lit nouveau pour que la libido coule et que la navigation, sous le sceau de la castration et non de l’aliénation du Moi, est devenue possible.
L’observation est une manière active du Moi de résister. Son activité s’exprime par la passivité3. Si le lecteur perd de vue la jouissance du Moi dans l’opération de sa satisfaction, il ne comprendra pas l’activité de lutter contre la castration, castration qui indique au Moi : « Bouge de là ! » ou encore « va voir ailleurs ! » Pour la grande majorité des humains, ces appels de castration sont restés, restent et resteront lettres mortes, comme eux, d’ailleurs.
Le Moi organise un compromis de petit jouisseur, à observer passivement aussi. Le lecteur remarquera que c’est toujours le Moi qui est là, à traîner la patte, à commérer, à faire le paresseux. Je pourrais multiplier les manières grossières du Moi pour déjouer la castration. Ces manières sont typiques d’une instance, le Moi, mise en place, par l’être face au rien, pour l’aliénation de ce dernier.
Dans son texte Un enfant est battu, Freud met en évidence que, dans le fantasme de l’enfant, l’autrui n’aime que le Moi. Cette passivité est propre au Moi. Quand le père bat l’enfant, la jouissance du Moi est de se venger du rival sans effort, puisque c’est le père qui exerce l’activité. En observant, il exerce une activité, passive mais à moindre frais, si j’ose dire. Quand autrui, le père en l’occurrence, bat le Moi, ce dernier est dans une position passive, mais jouit de la reconnaissance d’autrui par le châtiment. Être châtié, c’est être reconnu. D’ailleurs, Freud reconnaît dans son papier le registre « masochiste »4. Plus loin, il mettra en évidence que la première et la troisième phase sont conscientes et sadiques, car le Moi s’adresse à autrui. Dans la deuxième, le Moi subit les effets de ses propres organisations intramoïques.
Le Moi veut de l’amour, que ce soit sous forme de reconnaissance d’être maître pour autrui ou d’être victime d’autrui en se mettant à la position, voire place, de victime.
Toutes ces manœuvres ont un caractère actif, car – je le répète – il n’y a pas de passivité dans l’appareil psychique humain. Même la passivité est active, car elle est la forme adoptée par le Moi pour résister à la castration. Dans la résistance du Surmoi, il y a résistance active à la Loi symbolique. Dans la résistance du Ça, l’être résiste, au sens de ralentir sa rencontre avec la mort. Cette résistance est mise en place grâce à la sortie de psychanalyse. Le sujet, sans se précipiter vers la mort biologique, jouit, tire satisfaction d’être dans le monde.
Quand un être dit avoir fait une psychanalyse, tout en se plaignant de soi-même, d’autrui, de son corps, de sa vie, je doute vraiment qu’il ait eu affaire à un psychanalyste. Un analyste peut-être, un psy, pourquoi pas. Une psychanalyse rend possible d’être sujet dans sa vie, biologique.
- Freud, S. (1915). « Communication d’un cas de paranoïa contredisant la théorie psychanalytique », in Œuvres complètes, Vol. XIII, Paris, PUF, 1988, p. 314, [307-17]. ↩︎
- Freud, S. (1916-17). « Leçons d’introduction à la psychanalyse – XXIIIe leçon – Les voies de la formation du symptôme », in Œuvres complètes, Vol. XIV, Paris, PUF, 2000, p. 383, [9-480]. ↩︎
- Déjà en 1993 et à propos de la condition de malade, Fernando de Amorim parlait d’« acte de passivité ». In Amorim (de), F. « Introduction », Actes du 1er colloque de l’AFORMAG, Les cliniciens face aux grands malades : La prise en charge des hémopathies et du SIDA, CHU de Bobigny, septembre 1993, Paris, AFORMAG, 1993, pp. 3-18. [note Marine Bontemps] ↩︎
- Freud, S. (1919). « Un enfant est battu », in Œuvres complètes, Vol. XV, Paris, PUF, 2006, p. 130, [119-146]. ↩︎