Fernando de Amorim
Paris, le 26 janvier 2025
Je ne peux qu’appuyer la sincérité de cette mère quand elle me dit ses intentions envers son rejeton [c’est son mot à elle] : « Je veux que mon bébé n’aime que moi ! »
Le Moi veut cette possession de l’enfant en le transformant en objet – elle l’appelle « mon bébé ! » – voire en chose, chose qui autorise le Moi à disposer du corps, voire de la vie d’autrui, l’enfant en l’occurrence.
À sa question « mon fils est autiste, psychotique, obsessionnel ou HPI ? », je n’avais pas répondu parce que, face une telle avalanche de questions anxieuses, il est d’abord préférable d’apaiser le Moi de cette dame pleine d’élan.
L’autisme n’est pas une structure, c’est une indécision du Moi à prendre une voie structurelle. Quelques-uns ne la prendront jamais. Cela ne fera pas d’eux des autistes mais des indécis. La fonction des adultes, parents, médecins est d’introduire le psychanalyste dans cette affaire. Il sera très utile pour l’avenir de l’enfant. Mais est-ce là le projet du majeur ?
Je suis la voie des trois structures freudiennes, à savoir névrose, psychose, perversion. En accord avec le Moi, l’être s’engouffre, pour sa perdition, dans la voie choisie par le Moi, ce qui aliène l’être et ce, parfois, pour le reste de sa vie biologique.
Le psychanalyste ne propose pas à l’être un changement de structure puisque c’est impossible une fois la décision entre le Moi et l’être prise, mais il propose que l’être construise sa responsabilité de conduire aussi sa destinée et assume de naviguer dans la voie structurelle qu’il a acceptée – en se soumettant à la décision de son Moi – dès les premières années de sa vie, à entendre avant la solidification de son complexe d’Œdipe.
Sans diagnostic, le psychanalyste en utilisant la technique de l’écarteur, technique que j’ai mise sur pied à partir de mon amitié clinique avec des chirurgiens tels Rami Selinger, Stéphane Romano, Vladimir Mitz et mon regretté Philippe Saffar. Le clinicien dans la position de psychanalyste nourrit le transfert, jusqu’à ce que ledit diagnostic, structurel, tombe comme un fruit mûr.
En revanche, ce n’est pas uniquement le Moi de l’enfant qui a du mal à se choisir sa voie structurelle, car le Moi de la mère cherche, avec plus d’insistance encore, quel est le diagnostic d’autisme ou de psychose ou de névrose obsessionnelle ou, surtout, celui de HPI, à savoir haut potentiel intellectuel. Cette recherche d’une intelligence cognitive très supérieure à celle des personnes de sa même classe d’âge nourrit le Moi des parents et le Moi des enfants dans une logique horizontale de compétence à devenir sujet, quand ce qui caractérise l’humain est sa radicale différence envers ses autres compatriotes humains. C’est la logique verticale. J’examine les effets de la psychothérapie avec psychanalyste ou d’une psychanalyse à partir du moment où l’être entre et lorsqu’il sort de cure, et non en comparant la cure de Pierre avec celle de Paul.
Cette idéologie de la méthode horizontale nourrit des gonflements moïques et des frustrations inutiles.
Aucun parent ne me contacte pour confirmer que sa progéniture est PPI, à savoir petit potentiel intellectuel. Le Moi parental veut un reflet narcissique potentiellement haut de son Moi. Ovide a mis cela en évidence. En fin de compte, le personnage se noie.
Un enfant me raconte qu’il n’est pas HPI, un pubère me confie qu’il n’est pas beau selon son oncle. À l’enfant, je demande comme ça se passe à l’école avec les camarades. Il me raconte ses notes, les jeux, les premières amourettes. Je lui signale que cela est une preuve d’intelligence. Au jeune monsieur qui est jugé laid, je lui rappelle que l’intelligence, la beauté ainsi que la laideur concernent celui qui regarde. Il sourit.
Est-ce la fonction d’un psychanalyste de se positionner de la sorte ? Oui. Je ne sers pas la psychanalyse, je sers l’enfant. En servant l’enfant, je sers la psychanalyse. En revanche, ce qui est sûr, c’est que jusqu’à présent je ne suis d’aucune utilité aux maîtres du temple soi-disant analytique.
Quelques inhibés, en se nommant « psys » (psychologue, psychiatre, psychothérapeute), parfois même analystes, sans oublier ceux qui se disent psychanalystes, sacrifient l’enfant pour servir ce qu’ils entendent par occuper la place du psychanalyste.
Qu’ils sachent qu’ils ne sont pas, selon le psychanalysant qui écrit ces lignes, dans une position psychanalytique. Ai-je le droit d’affirmer cela ? Évidemment. Depuis plus de quarante ans, je suis en psychanalyse. J’ai appris à reconnaître un discours vrai d’un discours faux, au nom de la psychanalyse, de Freud ou de Lacan.
Quand Freud paye un repas à un psychanalysant et que Lacan rend visite à un psychanalysant à l’hôpital, ils sont dans la position la plus clinique, la plus honorable du psychanalyste. Même s’ils ne sont pas dans la position de psychanalyste.
Le psychanalyste danse selon le rythme qui lui est imposé par l’appareil psychique, par le corps, par l’organisme de l’être dans la position de malade, patient ou psychanalysant (cf. ma Cartographie).
Cela fait-il de l’auteur de ces lignes un non-psychanalyste, un sauvage à la Groddeck, un hérétique ?
Peu me chaut d’être estampillé « psychanalyste », « analyste de l’école X ou Y ». En tant que psychanalysant, je ne reconnais pas l’autorité clinique de l’analyste.
Je suis un clinicien. Après Freud, j’avais soulevé de terre une école de psychanalyse que des coquins se complaisent à décrier en disant que je suis zinzin, escroc, communiste, que je mange des enfants au petit-déjeuner. Et tutti quanti.
Je fais usage de la méthode et des techniques – dont quelques-unes que je construis grâce à ma petite intelligence (MPI), à ma créativité moyenne et à la collaboration immense des membres du RPH – enseignées à Freud par les patientes pour dénouer des situations difficiles, voire dramatiques. Je ne jouis pas sadiquement de voir autrui dans la détresse tout en gardant un silence ignorant, jouissif ou coupable. Je mouille ma chemise comme me l’avaient enseigné Freud, Lacan et ceux qui ont assuré ma psychanalyse personnelle.
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