Fernando de Amorim
Paris, le 9 février 2025
À S. V.
Cette question a été posée par quelqu’un qui me lit.
Un peu d’histoire
À cette question, il n’était pas facile de répondre quand j’entendais quelques analystes parler de la méthode psychanalytique. Ma remarque sèche était que la psychanalyse n’était pas une méthode, elle était une science, avec un objet (le désir), une méthode (celle des associations libres) et des techniques (telle celle de l’écarteur).
Freud écrivit un petit article en 1904, intitulé La méthode psychanalytique de Freud. Au vu de la date et de sa condition d’homme seul, il n’avait pas l’appui nécessaire pour affirmer qu’elle était une science et non une méthode. Aujourd’hui, il me semble que cette prétention est viable.
L’association libre est la Grundregel, la règle de base. Méthode ou règle de libre association (freie Assoziation), elle trouve son acte de naissance psychanalytique le 1er mai 1889 avec Emmy, quand elle parle et que Freud la dérange dans ses associations. En se taisant à la demande de la patiente – « Restez tranquille, ne dites rien ! » – et en la laissant ainsi continuer à parler ce qui lui venait à l’esprit, Freud montra quelle était la position de psychanalyste, à savoir la fermer et écouter.
Cette règle est une méthode et non une technique. Ceci exige une définition.
Il faut entendre méthode comme la manière dont l’être – dans la position de malade, patient et surtout psychanalysant – exprime librement sa pensée, son corps, son rêve, visant ainsi, dans un premier temps, à construire un savoir sur le désir de l’Autre non barré (A), celui qui le guide depuis sa naissance et même avant, puis, dans un deuxième temps, à construire son désir à partir de ce qu’il prendra, dans la position de psychanalysant, chez l’Autre barré (Ⱥ).
Il faut entendre technique comme l’usage de l’instrument mis en place par le clinicien pour que l’être ne dévie pas de la méthode qui pousse la cure sur la route maritime propre à sa structure.
Dans un échange de courriels destinés à S. V., le docteur Marine Bontemps écrit que « dans le Manuel [clinique de psychanalyse] la méthode de la psychanalyse est l’association libre ». Le docteur Lucille Mihoubi ajoute : « Dans une brève en novembre 2023, Monsieur de Amorim envisage la règle fondamentale des associations libre comme étant la méthode de la psychanalyse : T’aider à la hache ? – Fernando de Amorim. En revanche, après vérification, dans le lexique du manuel, elle est définie, dans la première édition, comme technique de la psychanalyse (p. 249). »
Il y a ici une apparente contradiction entre la réponse de Mesdames les docteurs Bontemps et Mihoubi.
Ma proposition
Dans un document publié en 2012 et intitulé De la clinique1, j’avais écrit : « La psychanalyse a un objet d’étude, ses techniques, une méthodologie et des formes de vérification de son efficacité. » (pp. 7‑8)
Puis je m’étais embourbé tout seul comme un grand, car à la page 18 du même document : « L’association libre est la méthode par excellence pour accéder à la manière avec laquelle l’être lit le monde. » À la main, le 28.XII.2017, j’ai écrit cette note : « une technique par excellence… »
Dans le même ouvrage, à la page 46 : « La technique d’association libre de Freud et les séances lacaniennes sont des exemples de la technique psychanalytique. »
Non, l’association libre est une méthode psychanalytique ; la séance lacanienne, comme je la nomme, est une technique psychanalytique.
Page 84 : « La psychanalyse n’est symptôme de personne, elle est une science et pour être un scientifique de la psychanalyse, il y a un critère très clair : dans un premier temps être dans la position de psychanalysant, en respectant la technique de l’association libre et de l’interprétation des formations de l’inconscient. »
Page 104 : « La psychanalyse, issue de la clinique médicale de l’exercice du κλινικóς, avec l’introduction du champ où se déroulera l’expérience, le divan, et de la technique de l’association libre par exemple, était la première, avec Freud, à désirer savoir ce qui arrivait aux patients et à leurs corps pour ensuite leur proposer une voie thérapeutique. » Suit dans cette même page une note écrite à la main qui renvoie vers ma propre note de la page 18 et datée du 6.II.2024).
Comment y retrouver ses petits ?
Pour conclure
J’affirme que l’association libre est une méthode. Mais dans une note écrite à la page 18 dudit document, il est possible de lire une autre note datant du 22.XI.2022 : « L’association libre est une méthode pour l’être dans la position de malade, patient, psychanalysant. Elle est une technique pour le clinicien. »
Faire de la recherche, c’est avancer, reculer, mais toujours pousser en avant la recherche en ayant comme devise « la clinique est souveraine ». Quand cette souveraineté vient de l’Autre barré (Ⱥ).
- Amorim (de), F. De la clinique, Paris, RPH, 2012. ↩︎