Rien – Chose – Objet – sujet
Fernando de Amorim
Paris, le 14 février 2025
Devenir sujet est une position pour l’être humain qui n’est pas, pour l’instant ou jamais pour quelques-uns, accessible. Pour occuper la position de sujet, il est nécessaire de sortir de psychanalyse. Cette sortie est bien évidemment vérifiée par le clinicien, histoire d’éviter les fausses sorties, comme les faux accouchements. L’avortement est courant en psychanalyse, car il n’y a pas de garantie qu’un être, parce qu’il est en psychanalyse, naîtra à sa position de sujet. Une fois dans la position de sujet, l’être est apte à construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée.
Parfois, l’être est traité en chose par l’autre, comme dans le cas des tueurs psychopathes qui visent à anéantir leur victime pour accomplir leurs pulsions de destruction. Il y a aussi ceux qui traitent autrui comme objet, pour ainsi accomplir leurs pulsions d’emprise, voire leurs pulsions agressives.
Un psychanalysant met en évidence la difficulté, voire l’impossibilité, de parler. Cette impossibilité lui évoque ce moment de sa vie où la parole ne lui était pas accessible. Il venait de naître au monde. Il est né au monde mais pas à lui-même. Il répond au désir de l’Autre, Autre non barré.
Le même psychanalysant dira qu’il souhaite la mort, car « la mort est préférable au rien ». Il ne croit pas si bien dire.
Il faut entendre ici être en vie et ne pouvoir faire aucun geste sans qu’autrui décide de sa destinée. Cette condition humaine commune à tous lui est insupportable.
Le tourment de ne pas choisir est terrible pour certains êtres. En arrivant au monde, l’être est confronté au rien. Il n’est rien sans le désir de l’Autre, sans la volonté d’autrui.
Une psychanalyse a la fonction de permettre à l’être de construire sa responsabilité de conduire le bateau de sa destinée, tout en prenant en compte la présence du Réel ; de là mon « aussi » dans la phrase qui définit la position de sujet. La visée d’une psychanalyse est que l’Imaginaire se dégonfle jusqu’à ce que le Moi devienne famélique et que le Symbolique soit ce qu’il est : un manteau percé pour l’être. En d’autres termes, la rassurance n’est pas au rendez-vous si quelqu’un s’engage à se dévêtir du désir de l’Autre, désir qui a couvert chaudement, et depuis sa naissance, l’être ainsi que l’ambassadeur de ce dernier, à savoir le Moi.
Le Moi est gros, le Moi est gras.
Une psychanalyse, ce n’est pas de la magie. Une fois que le psychanalysant sait ce qui coince dans sa vie, c’est à lui de construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée. Il est impossible pour le clinicien de demander cela à l’être dans la position de malade ou de patient car, dans ces deux positions, l’être n’a pas les moyens symboliques d’assurer cette tâche.
Le Moi utilise parfois la psychanalyse comme excuse, comme cachette, pour ne pas assumer la construction, la responsabilité, la conduite de sa destinée. Il laisse au Dieu, à l’Autre non barré, la décision de la route. Cette aliénation justifie la religion du Moi, celle qui justifie sa haine de l’enfant qui vient de naître ou de la femme qui se refuse à lui.
En psychanalyse, une pensée exige une parole, une parole exige une action.
Malin, le Moi, préfère la mort au rien, la culpabilité à la castration. En ce sens, la souffrance psychique, les tensions corporelles, la maladie organique (mon hérésie absolue) deviennent des divertissements. Le Moi dévie l’être de la construction de sa responsabilité de devenir sujet. Unique fonction valable pour l’être humain dans ce monde.