Fernando de Amorim
Paris, le 15 novembre 2024
Le propre à instruire dans la psychanalyse didactique concerne le sujet sur son rapport au désir qui est le sien.
Cela écrit, je ne partage pas l’idée d’une analyse didactique – Lehranalyse – car par sa nomination – l’analyse de la formation – le lecteur reconnaîtra qu’il n’est plus question, dans une telle démarche, de psychanalyse de quelque nature que ce soit. La psychanalyse, en tant que thérapeutique, est celle qui construit pour l’être sa position de sujet. Après la sortie de psychanalyse et s’il désire devenir psychanalyste, il s’agira d’une psychanalyse thérapeutique, car sujet est une position et non une place, tout comme psychanalyste, d’ailleurs. Autrement dit, à n’importe quel moment, l’être pourra céder sur son désir, puisqu’il est su que, si le Moi est structurellement aliéné, l’être est structurellement lâche.
La psychanalyse didactique concerne la psychanalyse sans fin pour le psychanalyste et est une protection pour la psychanalyse et surtout pour celui qui rend visite au clinicien. Une fois qu’il est sorti, ce qui signifie qu’il occupe la position de sujet, qu’il a témoigné de la conduite de la psychanalyse qu’il avait la responsabilité de mener – à bon port (psychose, névrose) ou à bon mouillage (perversion) –, que son témoignage de sa psychanalyse personnelle est validé, tout comme sa conduite de la cure aussi, il est dans la position de sujet et de psychanalyste, respectivement.
Ce témoignage favorable ne signifie pas qu’il s’endormira sur ses lauriers. Comme je l’ai évoqué plus haut, psychanalyste est une position. Par conséquent, l’intéressé se doit de ramer tous les jours pour maintenir à flot sa position de psychanalyste : par le témoignage de sa psychanalyse personnelle, de sa clinique, de son interprétation de la théorie psychanalytique.
En 1919, avec l’accord de Freud, Hermann Nunberg proposera, lors du Ve congrès de l’IPA, que la psychanalyse personnelle soit une condition requise pour tout candidat à devenir psychanalyste. Otto Rank et Sándor Ferenczi s’y opposeront. La mesure sera effective en 1925.
Je propose que tout candidat à devenir psychanalyste commence une psychanalyse en même temps que ses études théoriques de psychologie ou de médecine à l’université et sa pratique à la CPP (Consultation Publique de Psychanalyse).
La proposition est que la psychanalyse personnelle et la formation théorique commencent parallèlement jusqu’à s’entrelacer. La pratique pourra débuter lorsque l’étudiant sera en psychanalyse personnelle. Jusqu’à présent, au sein du RPH, les étudiants pouvaient commencer à recevoir des patients sous supervision quand ils étaient eux-mêmes encore en psychothérapie, cela parce qu’une étudiante avait montré qu’il était possible d’occuper la position de psychothérapeute sans être encore sur le divan. Las ! L’abandon de la formation psychanalytique de ladite dame annule cette expérience. Ainsi, pour que l’étudiant commence à recevoir des patients, il doit déjà être lui-même en psychanalyse. Au sein du RPH, je nourris cette ancienne logique enseignée par un de mes maîtres, à savoir que la clinique est souveraine. Autrement dit, c’est la clinique qui indique la voie pour la construction théorique en général ; en particulier, c’est le signifiant, qu’il soit corporel ou verbal, qui guide le clinicien, car le vrai est porté par le signifiant, celui qui sort de la bouche de l’être après avoir traversé l’Autre barré, et non par la parole qui sort par la bouche du Moi. Comment faire la distinction ? Par l’affinage de l’écoute, le moment venu, de son propre discours sur le divan, par l’écoute du discours de l’autre pendant des années et tous les jours d’exercice clinique. La clinique est un exercice quotidien, elle ne se pratique ni à mi-temps ni en touriste.
Adler quitte la psychanalyse en 1911. En 1922, Bernfeld commence à exercer comme psychanalyste en libéral à Vienne, sans la supervision de Freud ; Bernfeld a obtenu de Freud que, dans son cas du moins, une psychanalyse didactique n’était pas un prérequis. Freud analyse Otto Rank brièvement jusqu’à la fin décembre 1924. Ces avortements de la position de sujet et de psychanalyste accouchent de cafouilleux, de comateux, de morts-vivants ; en d’autres termes, de psys, d’analystes, de petits jouisseurs.
Il me semble important – non à la manière d’un Ordre des médecins, mais par un engagement éthique avec leur désir – que les psys (psychologues, psychiatres) commencent une psychanalyse personnelle et que les analystes retournent sur le divan.
Écouter sans une formation psychanalytique initiée sur soi-même et sur le divan est une escroquerie. Lacan savait cela quand il avait affirmé que la psychanalyse était peut-être une escroquerie. Lui qui avait abandonné la sienne et qui a vu pulluler, dans son sillage, une foule d’ânes-à-liste.
Grâce à l’enseignement et aux erreurs des prédécesseurs, il me semble urgent de repenser la formation du clinicien en santé mentale.
Et cela commence, sur le divan, par la santé mentale des cliniciens eux-mêmes.
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