Fernando de Amorim
À Paris, le 22 février 2024
L’éthique de l’être humain est de devenir sujet (s), ensuite et au quotidien de construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée ($). C’est ce que je désigne comme étant l’unique raison valable pour être dans le monde. Ceci pour le commun des mortels qui vient rencontrer un psychanalyste parce qu’il souffre.
Pour ceux qui désirent devenir psychanalystes, l’affaire est d’un autre registre.
Les faits qui, aujourd’hui, champignonnent sur les coucheries des analystes avec des psychanalysantes démontrent l’urgence de fonder la psychanalyse du psychanalyste sans fin, au moins le temps de son exercice professionnel en tant que psychanalyste.
La raison d’une telle proposition – qui m’a valu et me vaut tant d’inimitiés dans le milieu psychanalytique – est de protéger, avant tout, la psychanalyse et surtout le psychanalysant, du Moi du soi-disant psychanalyste.
Se dérober de cette responsabilité en qualifiant « d’accident de transfert » la rencontre sexuelle, consentie ou non, de l’analyste avec une patiente relève simplement de la couardise.
Instituer que l’analyste : α) retourne sur le divan ; β) qu’il devienne véritablement psychanalyste, la passe à l’appui ; γ) qu’il continue sa psychanalyse personnelle, vise à mettre en place cette protection nécessaire.
En ne canalisant pas la jouissance débridée du Moi de l’analyste, payé pour psychanalyser et non pour jouir, le responsable d’une institution psychanalytique commet une faute grave envers la psychanalyse et le groupe qu’il est censé représenter devant la société.
Plus que l’abandon de sa position clinique – celle de faire barrière à la jouissance du Moi et des organisations intramoïques du coquin travesti en psychanalyste –, c’est l’éthique de la position propre au psychanalyste – celle de ne pas jouir en tant que clinicien – qui est jetée aux ordures. Au détriment de tous. De là ma proposition qu’après être sorti de psychanalyse, celui qui désire devenir psychanalyste en passe par la passe – celle qui vient témoigner devant ses pairs du fait qu’il aura assuré la cure d’un psychanalysant devenu sujet – et qu’il témoigne de son désir de poursuivre sa psychanalyse personnelle car il sait que son Moi, pour l’heure raplapla car castré, n’attend qu’une opportunité pour se regonfler d’imaginaire.
Combien de scandales seront-ils encore nécessaires pour que les psychanalystes puissent se rendre compte qu’il faut repenser la formation du psychanalyste et admettre la cohérence de cette proposition ?
Quand Freud demandait que l’analyste retourne sur le divan tous les cinq ans, personne n’a suivi son indication ; quand il indique que l’analyste exige de son patient une santé mentale que lui-même néglige pour lui, il est toujours question du Moi de l’analyste.
En fin de compte, le problème de la psychanalyse est constitué par ceux censés la représenter, la porter, la défendre… contre eux-mêmes, ou plus exactement contre leur Moi infatué depuis le temps qu’ils ont abandonné le divan. Ceux-là mêmes qui pensent défendre la psychanalyse de ses détracteurs qui, à mes yeux, sont de gentils cabotins dont la compétence épistémologique – je pense à Popper, Lakatos et, avec une tendresse particulière, à Kuhn – n’est pas encore en mesure de porter atteinte à une clinique et une théorie solides.
Le problème de la psychanalyse est le Moi de l’analyste.