Fernando de Amorim
Paris, le 24 septembre 2024
Se poser des questions à voix haute est différent de se poser des questions en silence. Dans la première situation, le Moi s’adresse à l’autre, son semblable ; dans la deuxième situation, le Moi interpelle une autre partie du Moi, voire ses organisations intramoïques. Il est à remarquer que le Moi ne s’adresse jamais à l’Autre barré. Seul l’être interpelle l’Autre barré et cela indique qu’il est prêt pour entrer en psychanalyse. Il occupera la position de psychanalysant si, après examen, le clinicien atteste qu’il y a eu effectivement passage du fauteuil vers le divan.
Le lecteur remarquera combien la marche de manœuvre de l’appareil psychique humain est limitée.
Un Monsieur, souffrant de burn–out, selon ses mots, se plaint de ne pas trouver sa voie et « c’est pour cette raison que j’avais fait un burn-out. »
En premier lieu, personne ne trouve sa voie parce que la voie n’est pas déjà prête, la voie n’attend pas que l’être puisse la prendre. Cela est un fantasme qui montre la puissance du Moi humain au quotidien.
Une voie est une construction, une construction à partir du rien. Pour reconnaître ce rien, un objet est nécessaire, c’est l’objet rien. C’est en prenant en compte qu’il part de rien que l’être s’accroche à l’objet rien pour commencer à construire sa subjectivité et ensuite sa position de sujet. Il est même possible, si le désir est au rendez-vous, que l’être occupe la position de psychanalyste.
Sans cette construction de sa voie, l’être a affaire au leurre. Faire des enfants, aller au travail, faire des études, faire des maladies ? Du leurre, c’est-à-dire une idée pas attachée, à comprendre comme construite à partir du Réel.
En lisant cela, le lecteur remarquera que peu nombreux sont les êtres capables de s’engager à faire de leur vie une construction possible.
Est-ce un reproche ? Pas du tout. Mais si le lecteur constate que tout ce qui est inventé – les soldes pour acheter ce qui n’est pas nécessaire, ou faire des enfants pour combler la perte, voire le manque structurel – pose des bases fausses d’avenir pour soi comme pour l’avorton.
Le burn-out, la dépression, le symptôme, les maladies deviennent des objets de distraction du Moi. En ayant pour occupation quotidienne de prendre ses pilules, de ne pas rater le rendez-vous avec le cardiologue le lundi, le kinésithérapeute le mercredi et le psychologue spécialiste des troubles alimentaires le vendredi, il s’occupe. Le temps passe et la mort approche.
L’être, dans sa position structurelle de lâche, regarde par la fenêtre le temps passé, pendant que dans l’organisme, les cellules effectuent leur travail, les organes fonctionnent, jusqu’à extinction de la vie organique.
La vie est passée et le Moi, dans sa position structurelle d’aliéné, a fait le nécessaire pour que le mammifère parlant survive, vivote, vive, sans accéder à ce qui est au cœur et la fonction de la psychanalyse, à savoir que le sujet construise sa responsabilité de conduire aussi sa destinée. Les fonctionnaires de la politique, celles et ceux qui vivent de harangues matin, midi et soir, qui ne savent pas ce qu’est le travail – se lever, se faire beau, travailler et toucher sa paye –, oublient que ce n’est pas l’entreprise mais la non-construction de son désir qui produit la détresse dans le travail. Si l’être n’est pas content de son travail, qu’il en construise un autre. Le Moi ne connaît pas cette logique et l’être s’associe à lui dans la plainte.