Le rocher du cas
(II)
Fernando de Amorim
Paris, le 19 juin 2020
Le roc vers la fin du XVème siècle, se disait rocher. Vers le début du XVIIème, il se disait d’une personne insensible. Cette insensibilité est le rocher du Moi spécifique aux femmes avant la castration. C’est sa dernière carte, voire la carte dans sa manche, voire derrière son dos. Caravage a représenté cela magistralement. Il a représenté un homme, il a vu juste : les hommes trichent, les femmes mentent, elles ne peuvent pas vivre sans cela. Vouloir leur enlever ce droit légitime à la vérité serait comme vouloir leur interdire le maquillage ou la séduction.
La visée d’une psychanalyse est que l’être navigue en articulant le complexe d’Œdipe avec le complexe de castration, jusqu’à arriver à la mer d’Œdipe. En arrivant, l’être sera prêt éthiquement à prendre la barre. Cela signifie que l’être portera la responsabilité de ses actes, qu’il ne se dédouanera plus en disant que ce n’est pas lui ou que c’est la faute des parents, du blanc ou du Saint-Esprit. Dans ce travail propre au complexe de castration, la libido passera par le champ du Moi, s’il s’agit d’un être qui souhaite faire une psychanalyse et reprendre son existence ; ou la libido passera par le Moi, s’il s’agit d’un être qui souhaite faire de la clinique psychanalytique son métier.
Le roc de la castration est indépassable parce qu’il faut du désir du psychanalyste et que nous n’avons que des analystes sous la main. Il faut aussi, et surtout, que le Moi respecte la règle fondamentale de la psychanalyse. Enfin, il faut le désir de l’être de mettre en pratique ce qu’il, l’être, découvre sur lui sur le divan. C’est là où le bât blesse : face à la découverte du désir de l’Autre barré, l’être dans la plupart des cas, choisit le Moi et non le désir de l’Autre pour construire son existence. Cette lâcheté se paye dans ce monde, de son vivant, sur la vie de sa progéniture, et non pas dans une autre vie. Les religieux se sont trompés dans le calcul topologique, mais ils ont vu juste du point de vue espace-temporel.
Une psychanalyse est une bataille exigeante. Le psychanalyste doit occuper la position d’objet a, en faisant silence quand la cure avance, en mettant son désir dans l’arène quand le Moi choisit de jouir de sa position d’aliéné pour ainsi continuer à être l’objet du désir de l’Autre non barré (A).
La protestation virile est la preuve que le Moi est gonflé, indépendamment du sexe du Moi étendu sur le divan ; l’envie de pénis est ce que veut le Moi, toujours étendu sur le divan, pour continuer à jouir du phallus imaginaire et ainsi éviter la castration.
Le roc d’origine est la limite du désir du psychanalyste. Puisque le clinicien n’a pas laissé la libido traverser le champ du Moi – il n’a pas eu le courage, il a toujours peur –, il n’a pas l’autorité requise pour pousser le Moi, poussage bienveillant mais ferme. Bien évidemment, il faut faire ce poussage avec habilité clinique, le psychanalyste pousse quand il y est autorisé par le Moi du psychanalysant car, au contraire, c’est le passage à l’acte assuré.