Le clinicien n’est pas payé pour proposer aux patients de « chercher ensemble », (page 94). Une telle proposition l’installe dans ce que Lacan avait appelé la relation imaginaire. Cet aveu, à demi-mot, d’incompétence clinique ne correspond pas à la psychanalyse. Peut-être à la psychiatrie, (page 94), mais pas à la psychanalyse. Une « disparition ne signifie pas la mort », (page 95), ni destruction, (page 95). Il m’est possible de parler ici d’un fantasme de praticien.
Quand précédemment, j’avais parlé de fausse publicité, ou de publicité mensongère, dans le sens du Moi bien évidemment, et non dans le sens juridique ou morale, c’est pour signaler que « les travaux des chercheurs orientés par la psychanalyse », (page 103), est différent de « ce que le psychanalyste apporte à l’université », de la page de couverture de l’ouvrage.
Evoquer « l’évolution des normes sociales et les avancées du savoir », (page 103), est une lecture qui me laisse perplexe. Je n’estime pas que nous sommes en train de vivre une évolution des normes sociales, mais plutôt un gonflement des règles sociétales. La norme sociale ficelle les êtres par le Symbolique, les règles sociétales imposent les conditions du Moi fort et de ses organisations intramoïques. La montée des règles des religions barbares, l’imposition, par idéologie, de ce qui peut être dit et de ce qui n’a plus raison d’être, est la preuve que la grenouille gonfle. Et comme dans la fable, cela finira dans le sang et dans la mort.
La responsabilité des psychanalystes est de dire, à cette jeunesse, qu’ils ont la charge de construire leur existence, que leur avenir n’est pas obligé de prendre la voie de l’ignorance ou de l’abrutissement propre au Moi aliéné, qu’il soit familial, religieux ou sociétal.
L’hypothèse évoquée, « l’hypothèse de l’inconscient », (page 104), est une évocation étonnante. On dirait qu’ils ont peur de quitter le champ de l’hypothèse et de nager, et de plonger vraiment dans l’inconscient, celui structuré comme un langage, comme a écrit Lacan, celui de l’environnement aquatique, selon mon hypothèse. Trouillard et psychanalyste, ce sont des positions incompatibles.
L’évaluation des psychothérapies psychanalytiques, (page 107), est l’indicateur, ou de l’ignorance, ou du manque de courage. En fin de compte, on trouve à boire et à bouffer puisqu’il est question de « psychothérapie individuelle », « dispositifs groupaux », « évolution clinique de l’approche psychanalytique ».
Quid de la psychanalyse ? Je pourrais être plus exigeant : avons-nous de la psychanalyse à l’horizon avec un tel discours ? Ou sont-ils complètement perdus dans l’océan inconscient ?
Quand les auteurs font appel à un « paradigne… » (page 108), oui Mesdames et Messieurs, cela ne s’invente pas. Au contraire d’écrire « paradigme », les auteurs ont écrit « paradigne ». Le préfixe « para », à côté de, est au cœur de la nouveauté de leur paradigme, à savoir « la preuve fondée sur les pratiques » (page 108). Une preuve fondée sur une pratique soutenue par l’imaginaire ne peut qu’aller vers l’échec. Quand ils proposent la preuve fondée sur les pratiques, pratiques à côté de la dignité de l’être, je propose la preuve fondée sur le discours du sujet. C’est ce qui est attendu dans la passe lacanienne au sein du RPH.
Peut-être « la recherche universitaire actuelle sur les dispositifs psychothérapiques et les médiations thérapeutiques témoigne d’une recherche clinique vivante » (page 110).
Mais où se trouve le psychanalyste ? Et le digne, intimement imbriqué à la position du sujet, où est-il ?
Comment est-ce possible de faire référence à des études « sur l’évaluation quantitative des psychothérapies psychodynamique et de la psychanalyse », (page 112), quand l’erreur, la mauvaise foi méthodologique est une évidence dans le travail de l’INSERM ? Il n’y a pas eu d’évaluation d’aucune nature parce que les dés étaient pipés. On compare le comparable : « Le rapport suggérait que, contrairement aux approches psychanalytiques, les TCC étaient plus efficace pour le traitement de la plupart des troubles de conduite » (page 114). Les rapporteurs ne savent pas de quoi ils parlent. La psychanalyse s’occupe des troublés, des troubleurs, et non des troubles. La psychologie, identifiée à la psychiatrie, qui à son tour s’identifie à la lecture anglo-américaine de l’être, ont perdu toute possibilité de lecture humaine du parlant.
Leur esprit ? Eteint, si au moins un jour, ils en ont eu un.
Ce qui peut rendre une dignité aux psys d’aujourd’hui, c’est de devenir psychanalysant, c’est de construire leur position de sujet, c’est dans cette position qu’ils pourront construire leur dignité clinique, puisqu’il est question de dignité, d’écouter le trouble. Le trouble c’est l’indicateur que l’être souffre ou jouit d’être en vie, de survivre ou vivoter. Pour ce qui est d’exister… Passez demain !
Il me semble important que des psychanalystes, des universitaires, construisent un partenariat solide avec les biologistes, ainsi nous pourrions éviter de continuer à mélanger des méthodes propres à la biologie, « molécules » et « l’étude de la vie psychique », (page 114).
Sans carte, sans boussole, les praticiens, qui se disent « référés à la psychothérapie-psychanalytique » (page 121), s’autorisent des inventions les plus farfelues, du genre « medium malléable », (pages 121 et 123). Ce medium n’est pas malléable. Il est mou. Avec ce genre de rhétorique creuse, il n’y a pas d’« extension de la psychanalyse» (page 122).
Il n’y a plus de psychanalyse du tout.
En proposant le concept de signifiant corporel en 1988, j’ai voulu mettre en évidence la présence du corps freudo-lacanien dans la clinique psychanalytique. En proposant entre guillemets « une forme « “d’associativité” non verbale » (page 124), les auteurs introduisent de leur imaginaire où c’est le Symbolique, et sa force transformatrice, qui sont attendus.
Comment sauver leurs idées des « medium malléables » (page 125, note de bas de page 1) ? En les invitant à mettre à la place de ces concepts artificiels, l’Autre barré lacanien (Ⱥ).
Sauver leur concept. La formule est tombée de ma plume. Je dirai même que mon effort est de sauver leur désir. Sauver le désir coincé dans le protocole, dans la hiérarchisation mentale de leur bureaucratie universitaire.
Me voilà installé, d’une manière juvénile sans doute, comme le missionnaire des maîtres de l’univers-ité. Je sors cette citation « missionnaire » d’une conférence de Lacan de 1966, c’était une conférence et débat à la Salpêtrière intitulé : « la place de la psychanalyse dans la médecine ». Il s’agit ici d’un clin d’œil au Moi de quelqu’un qui se présente en tant que « docteur de l’université Paris .. ».
Je me présente comme le missionnaire, comme l’enfant devant les savants, les maîtres à l’université. Les maîtres, mes maîtres, sans aucun doute. Ce sont eux qui m’ont dit comment ne pas enseigner, ainsi qu’un certain nombre d’analystes que j’ai rencontré dans ma formation psychanalytique et qui m’ont enseigné comment ne pas devenir psychanalyste.
Je les remercie sincèrement.