CORONAVIRUS (1) – Et le manque de berceau
Fernando de Amorim
Paris, le 13 mars 2020
Au Docteur Li Wenliang, lanceur d’alerte
Le coronavirus déclenche une avalanche de réflexions et de réactions sanitaires, épidémiologiques, scientifiques, sociologiques, politiques et économiques. Du point de vue de la clinique psychanalytique, il ne s’agit ni de psychose, ni de paranoïa de la part de la population, mais de la mise en évidence de la relation du moi avec ses organisations intramoïques (la résistance du surmoi et l’Autre non barré) : la première pousse les gens à faire des provisions de pâtes et de boîtes de sardines, la seconde à annuler leur rendez-vous pour « ne pas vous contaminer ». Je rappelle que la résistance du surmoi pousse aux actes et que l’Autre non barré pousse aux paroles.
Une personne dit être inquiète pour ses grands-oncles, qu’ils puissent être contaminés par le coronavirus. Après examen, il est mis en évidence son agressivité envers ses membres de sa famille et son désir qu’ils … « crèvent ! ».
Une autre annule sa supervision. Pour quelle raison ? « Pour ne pas vous contaminer ! » A-t-elle l’intention de se coller à moi ou de m’embrasser ? « Non ! » Il n’y a pas de raison de ne pas venir à sa supervision.
Dans tous ces cas de figure, c’est la haine qui habite les organisations intramoïques que le moi cherche à cacher et qui se réveille et trouve un appui, aujourd’hui, avec le coronavirus. Cette haine vient de loin, à savoir, de l’enfance et de la jeunesse du moi.
L’hygiène corporelle est un des facteurs de la relation d’amour et de respect de la part des adultes envers le corps de l’enfant. Quelques majeurs n’enseignent pas l’hygiène de base à leurs enfants, comme celle de se laver les mains avant de passer à table, de décalotter le zizi pendant la douche ou de savonner la zézette et de s’essuyer l’anus d’avant vers l’arrière pour les filles. Devenues adultes, ces personnes n’ont pas le réflexe de se laver les mains, mais ont celui de remplir leur garde-manger.
Ce manque d’éducation à la maison produit des effets dans la vie quotidienne des êtres une fois devenus majeurs : ils laissent des traces d’excréments dans leur caleçon et des traces de matières fécales sur le clavier de leurs ordinateurs.
Ce manque de berceau – j’entends par là l’éducation que l’adulte doit prodiguer à l’enfant dès sa plus tendre enfance – a un rapport directe avec la difficulté de quelques-uns de simplement avoir le réflexe de se laver les mains. Le lecteur pourra penser que cela est une remarque exagérée de ma part. Plusieurs personnes m’ont signalé que c’est en devenant adulte et en fréquentant une faculté dans une discipline liée à la santé que l’habitude de prendre soin de leur corps s’est faite jour. La panique chez quelques-uns est liée à l’ignorance propre au moi car les consignes médicales sont claires : nettoyage des mains régulièrement dans la journée (https://www.coreb.infectiologie.com/fr/alertes-infos/covid-19_-n.html).
Il y a quelques instants le Premier Ministre, Édouard Philippe, a annoncé l’interdiction des rassemblements de plus de cent personnes. Les psychistes (psychologues, psychiatres, psychothérapeutes, psychiatres) et psychanalystes doivent envisager, en cas de quarantaine domestique, de continuer à assurer les psychothérapies et psychanalyses par téléphone.
L’AFPEP-SNPP (Association française des psychiatres d’exercice privé et le Syndicat national des psychiatres privés) ont proposé que les patients puissent voir leur médecins car « La vidéo est obligatoire (le simple appel téléphonique n’ouvre pas droit à remboursement par la sécurité sociale) ». Une telle stratégie est médicale. En tant que psychanalyste, sauf dans les cas des psychotiques qui exigent de voir le clinicien – Édith de Amorim était confrontée à une telle situation – il est cliniquement profitable pour la cure d’éviter la webcam. Les psychistes se doivent de se mettre d’accord sur la conduite à tenir.
Le problème n’est pas la responsabilité des citoyens à respecter les consignes données par les autorités de santé, mais l’aliénation du moi qui, en panique face aux assauts des organisations intramoïques ou face au sadisme de ces mêmes organisations intramoïques, se nourrit des fausses nouvelles et trompeuses informations.
Enfin, pour les psychistes en général, « Il faut utiliser des mouchoirs jetables et observer une hygiène des mains irréprochable. Le gel hydroalcoolique est, bien sûr, une solution, mais de seconde intention. En effet, un lavage des mains au bon vieux savon de Marseille sous le robinet fait parfaitement l’affaire lorsqu’il est pratiqué pendant une vingtaine de seconde et ceci après chaque contact potentiellement contaminant » :
C’est face à cette situation où le comportement humain est mis en évidence que l’éducation domestique, les médecins, les psychistes et la société sont appelés à travailler en partenariat.