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De la différence entre psy et professionnel de santé

De la différence entre psy et professionnel de santé

Adresse au Président

Fernando de Amorim
Paris, le 29 septembre 2021


Les « professionnels de santé mentale » devraient – au lieu d’attendre que le gouvernement acte le remboursement des séances de psy pour l’ensemble de la population dès 2022 –, se décider à devenir des cliniciens et non, comme les interprètent très justement la société, de continuer à être des « psy ». Un psy c’est un bloc où il est possible de trouver à boire et à manger. Un professionnel de santé mentale assure sa position sans ambiguïté. Cette compétence à assurer est due à une formation longue et consistante.

Être psy n’est pas suffisant pour aborder la santé mentale. Il est important qu’il soit lui-même en forme mentalement.

C’est pour cette raison que j’avais proposé que la psychanalyse du psychanalyste soit sans fin, c’est-à-dire, que le professionnel de santé mentale s’occupe d’abord de sa propre vie, de son corps, avant de vouloir assurer le traitement mental de l’autre. De quelle manière ? En continuant sa psychanalyse tant qu’il fait profession d’écouter la souffrance de l’être.

Quel est l’objectif de cette démarche ? Protéger le patient du Moi du praticien.

Il faut peut-être que les responsables des associations de psychologues puissent passer un coup d’œil sur ce qui se passe à la CPP (Consultation publique de psychanalyse). Ils veulent du remboursement mais aussi de l’autonomie. Mais quelle autonomie ? Pour être autonome, il faut une théorie solide, une clinique qui assure des réponses claires à des situations parfois difficiles, tels les passages à l’acte.

Ce qui est prévu c’est que le remboursement au psychologue soit effectué sur prescription d’un médecin. En d’autres termes un aveugle qui guide l’autre sur l’océan tempétueux du symptôme, qu’il soit psychique corporel ou organique. Bienvenu à bord du radeau de la mérduse.

Le président Macron propose la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques. Or, ma proposition est de les fermer tous et de les rouvrir en les transformant en lieux dédiés aux cliniciens pour constituer leurs patientèles. C’est la logique de notre CPP au RPH : l’étudiant en psychanalyse personnelle reçoit des patients qui le payeront selon leurs moyens, parfois 2 euros, 5 euros, voire plus. Le rythme souhaité est d’au moins trois séances par semaine. Dans cette logique, prouvée depuis 30 ans, l’étudiant apprend à faire de la clinique et le patient rencontre quelqu’un désireux d’apprendre à écouter et à conduire le traitement à bon port. Toujours dans cette logique, les trois sont gagnants : le patient, le futur clinicien, et la société qui n’est pas sommée de rembourser un soin qui doit être assumé par l’être lui-même.

Cette politique de béquée, Monsieur le Président, forme des moutons et non des êtres parlants désireux d’être dans la vie, car vivants, voire plus si affinité, l’autre nom de l’existence.

Vous souhaitez donner des moyens à la santé mentale, Monsieur le Président ? Constituez des groupes de travail, en donnant à chacun un lieu de consultation et que les résultats soient évalués tous les six mois par une commission indépendante constituée de médecins, psychologues, psychiatres, associations de patients, élus locaux.

Ces lieux qui apportent en qualité de soin, en économie budgétaire verront leur budget augmenter pour que l’expérience s’élargisse aux régions. Ceux qui ne font pas la preuve de l’utilité publique ne pourront pas compter avec le budget de l’Etat.

Si « 15% des Français montrent des signes d’un état dépressif, 23% un état anxieux, 10% des pensées suicidaires », selon « Le Monde » d’aujourd’hui, ce n’est pas en remboursant les psys qu’ils seront soignés, c’est en les invitant à aller chez le psychiste – mot à mon avis plus élégant pour parler des psychologues, psychothérapeutes et psychiatres –, épaulés par l’autorité de leur médecin traitant. Cette stratégie je l’ai nommée « cônification du transfert ».

L’Assurance-maladie est une vraie vache à lait car elle assure la maladie. Il nous faut une politique d’Assurance-santé car, si tout le monde tète ses pis, mais que personne ne cherche à la nourrir, la vache périra emportant avec elle cette merveilleuse idée d’aider ceux qui sont dans le besoin du soin qu’offre notre système de santé publique. Il faut ici distinguer le besoin du soin, le vrai, le médico-chirurgical ; de la demande de soin, propre à l’acte psychothérapeutique ; du désir de soin, spécifique à l’action psychanalytique.

Comme déjà écrit, à la CPP les consultations, et peu importe la somme payée, sont au nombre d’au moins trois par semaine. La visée est que l’être se mette au travail de construction de son existence. Mais comment construire pour soi si le psychologue est toujours dans la dépendance à l’autre étatique (a) ? Voire dans la dépendance au discours de l’Autre étatique (A), discours fait de promesses, de subventions, d’embauches ? C’est pour cette raison que je représente la position éminemment indépendante du clinicien avec un A barré prime (Ⱥ’). Le clinicien étant le représentant de l’instance (Ⱥ), instance qui rend l’être proche, voire intime, du désir, et non du Moi, pote de la jouissance.

Les psychologues veulent « leur indépendance vis-à-vis de la médecine », mais pour cela, il faut être indépendant, ce qu’ils ne sont pas. Or, depuis quarante ans, je reçois des étudiants en psychologie ou en psychiatrie qui désirent faire partir d’une école de psychanalyse, faire une cure ou encore une supervision. Le constat est net : à la sortie de la faculté, un psychologue ne sait pas poser un diagnostic ou conduire une psychothérapie.

Au contraire de se lamenter, il faut commencer à préparer l’étudiant à devenir un clinicien.

Pour former un clinicien, nous avons tout ce qu’il faut en France, à savoir, des psychanalystes aptes à assurer des cures et des supervisions.

Se plaindre que les décisions soient prises sans les psychologues c’est simplement ne pas voir que la psychologie ne fait pas le poids. Pour qu’elle puisse devenir solide, ce qui est légitime vu le désir de ceux qui font des études ou qui enseignent la psychologie, c’est de s’allier aux écoles de psychanalyse et faire des programmes de formation théorique (université) et clinique (CPP).

Au contraire de pleurnicher accrochés aux jupes de l’Autre, j’invite les psychologues à se former à la clinique, à ne pas être dépendants de l’argent public, à être autonomes financièrement. Il est des lieux pour cela.