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De l’interprétation


De l’interprétation

Fernando de Amorim

Paris, le 17 février 2022

Il me semble nécessaire de repenser la médecine. Pour cela, il faut reconnaître qu’il existe une médecine corporelle, basée sur l’imaginaire et qui prend soin du corps, telle la gymnastique, le yoga, les thérapies corporelles et la psychothérapie assurée par un psychothérapeute et la psychothérapie assurée par un psychanalyste. La particularité de ce dernier cas de figure c’est que le psychanalyste assure la psychothérapie du malade ou du patient en attendant que ce dernier entre en psychanalyse. La particularité évoquée plus haut est que le psychothérapeute membre du RPH est habilité à occuper la position de supposé-psychanalyste, ce qui n’est pas le cas des thérapeutes, psychothérapeutes, ayant ou non un diplôme de médecin. Mon lecteur, comme dit Dante, comprendra que l’enjeu n’est pas une connaissance universitaire, sanctionnée d’un diplôme, mais d’une compétence clinique à supporter le transfert et assurer la conduite de la cure. Bien évidemment cela n’exclut en rien l’acquisition d’un diplôme universitaire. À titre d’information, seuls les candidats ayant l’intention de pousser leurs études à un niveau doctoral sont admis au sein de notre école.

Cette médecine du corps quand elle ne répond pas aux exigences du Réel, se voit dans l’obligation de faire appel à la médecine allopathique, et quand cette dernière ne répond plus aux exigences du Réel, il faut faire appel à la chirurgie. Le psychanalyste est, dans ces trois étapes, à la disposition de l’être et de l’équipe soignante. C’est la fonction missionnaire qu’avait évoquée Lacan dans sa conférence/débat du Collège de Médecine à la Salpêtrière et publiée dans les Cahiers du Collège de Médecine en 1966.

Une collaboration étroite entre les écoles de psychanalyse et les facultés de psychologie et de médecine se fait nécessaire car il en va de l’avenir de notre système de santé, du service public, de la santé économique du pays et surtout de la santé de la population en général.

Pendant le confinement (COVID-19), des personnes ne sont pas tombées malade. Ces personnes se soignent de manière différente : par des plantes ou par aucune forme de thérapeutique, selon leurs dires. Ces personnes ne sont pas en psychanalyse. Pour Lacan, selon Serge Cottet, quand quelqu’un est en psychanalyse il tombe moins malade. Dans le cas des membres du RPH, deux psychanalystes – dont l’auteur de ces lignes – ont été contaminées par le virus, sans pour autant arrêter de travailler. Les consignes sanitaires ont été respectées.

Quel est le rôle de l’ADN, du noyau et de la cellule dans le clonage ? Le clonage se fait en prenant le noyau d’une cellule à l’intérieur d’un ovocyte d’où le noyau était retiré. Pierre Sonigo, spécialiste en biologie moléculaire, dit, si je l’ai bien compris, qu’il est possible de mettre le noyau d’une cellule cancéreuse et le résultat c’est que les scientifiques obtiennent une souris normale. Parti de l’idée que des gènes déterminent le cancer interroge car, quand le scientifique prend ce gène du cancer et qu’il est mis dans un ovocyte normal le résultat est un animal normal, c’est-à-dire non atteint d’un cancer. Les questions sur le rôle du noyau, du cytoplasme sont sur la table, ainsi que le rôle des gènes dans le déclenchement d’un cancer comme d’une maladie mentale. Une telle constatation incite des psychanalystes à accentuer le désir de faire de la clinique du partenariat une tâche quotidienne. Les membres du RPH sont habilités à assurer une telle tâche.

Après être allé aux urgences de l’hôpital Lariboisière le 17 octobre 2021, une suspicion de cancer illumine l’esprit de mon médecin. Il demande une batterie d’examens.

Le 30 12 2021, je fais un rêve : un homme, probablement chinois, m’apporte le résultat des examens et me dit : « Monsieur, il n’y a pas de cancer ! ». Je prends le résultat sans réaction et au moment de tourner le dos, je donne à voir à l’homme une expression de dégoût.

Mon absence de réaction concerne mon être, le dégout concerne mon Moi de mèche avec les organisations intramoïques, à savoir l’Autre non barré et la résistance du Surmoi.

Ce rêve signifie que la médecine a fait son travail, elle soigne des cancers et l’expression de mon dégoût signifie que mes organisations intramoïques ne sont pas contentes. L’expression de dégoût signifie que mon Moi souhaite la mort parce que ça le fait chier là.

Ce rêve vient montrer que la médecine en l’état, n’est pas habilitée à soigner l’être humain. Il faut qu’elle puisse compter avec la psychanalyse car, si l’être n’est pas sensibilisé au désir de son Moi, désir inconscient de ne pas être en vie, et surtout de ne pas exister, au désir de son Autre non barré et de sa résistance du Surmoi (les organisations intramoïques), le Moi ne viendra pas aux rendez-vous médicaux, ne respectera pas la posologie, refusera des traitements proposés, contestera les décisions de son docteur. En un mot, il ne fera pas ce qui est ordonné par le médecin.

Il faut signaler que je ne mange pas de ce pain-là : je suis allé à tous mes rendez-vous médicaux (sans oublier les viennoiseries pour le personnel si la consultation était le matin, et des douceurs si elle était l’après-midi). Je suis un patient très obéissant, j’ai fait tout ce qui m’a été ordonné.

La maladie chez l’être parlant, personne ne sait pourquoi. L’être tombe malade parce que c’est dans la logique de sa vie.

Pour se protéger de cette rencontre avec sa destinée, il interprétera. L’interprétation de la maladie est la bienvenue pour que l’être puisse, par le symbolique, supporter le Réel (expression incarnée de la lésion) et la défaillance inévitable de l’organisme et sa conséquence finale qui est la mort.

Le psychanalyste n’interprète pas, il soutient l’interprétation. Il prépare le terrain pour que l’interprétation tombe comme un fruit mûr. Si cette dernière est imaginaire, il examine, il soupire car la vraie interprétation est symbolique et elle est le résultat d’une construction sur le divan.

Il me semble possible de dire que le déclenchement d’une maladie est multifactoriel. Il ne s’agit pas ici de me dédouaner avec une formule banale, mais de mettre en évidence que personne ne connaît l’origine du déclenchement d’une maladie, donc il n’est possible pour le psychiste, que de compter avec l’interprétation. L’interprétation fausse vient du Moi, télécommandée par ses organisations intramoïques ; la vraie vient de l’Autre barré.

Comme dit plus haut, l’interprétation imaginaire ne doit pas être épaulée par le clinicien. De là son soupir, son silence déconcertant. L’interprétation symbolique, construite sur le divan, a le statut de solide car l’être est engagé avec le désir de l’Autre barré. Pour savoir faire une telle distinction, le clinicien doit savoir où se trouve le Nord clinique et la voie qui amène au terminus de sa psychanalyse et à sa condition d’être castré.

À la sortie de psychanalyse se trouve l’être dans la position de sujet. Dans cette position, il ne maltraite plus son corps, il prend soin, il est zélé à faire que son existence lui soit légère. Et que mon lecteur ne s’étonne pas que j’introduise ici la formule latine Sit tibi terra levis car, au moment de mourir, il le fera de manière élégante.

Pour cette dernière hypothèse, le lecteur m’excusera, mais je serais dans l’impossibilité de constater la fausseté ou la véracité de mon écrit.