Fernando de Amorim
Paris, le 25 octobre 2024
Au Docteur F.
Quand l’être naît, il n’a rien, il n’est rien. Il devient quelque chose, voire objet, une fois qu’il est pris dans la volonté du Moi, Moi soumis à ses organisations intramoïques, à savoir l’Autre non barré et la résistance du Surmoi. Au moment de son entrée dans le monde, l’être n’a affaire qu’au rien. Son premier son est son accusé de réception aux organisations intramoïques.
La perception de manque, de vide, de trou, de néant, puis les formulations plus élaborées telles que le sentiment de solitude, de s’ennuyer ou de se sentir seul, sont quelques mots ou lamentations que le Moi utilise – tel un phallus, phallus imaginaire – pour nommer les représentations imaginaires du rien en lui.
Quant à l’objet rien, il est une construction symbolique propre à la sortie d’une psychanalyse. Cet objet rien, est la preuve que l’être s’est désengagé du Moi et de ses appels, plaintes et demandes, qu’il s’est désolidarisé de la relation qu’il maintenait avec le Moi dès son plus tendre âge, qu’il est parti une main devant, une main derrière, autrement dit, sans beaucoup de produit du Moi, à savoir l’Imaginaire, vers l’Autre barré. La difficulté pour certaines personnes de se mettre nue est de se mettre nue devant l’Autre barré. Il s’agit d’une nudité symbolique, ce qui est radicalement différent de cette exhibition pornographique qui fait qu’on puisse l’observer par l’anus jusqu’aux amygdales.
C’est grâce à son désir de devenir quelqu’un que l’être se met en tête de savoir sur le désir de l’Autre non barré qui l’habite. C’est à partir du moment où il entre en psychanalyse que commence sa navigation dans les eaux jamais sillonnées de son inconscient. À la fin de cette circumnavigation, l’être dans la position de psychanalysant devient sujet. Maintenant, il a un objet, objet construit par ses soins grâce au phallus symbolique forgé à chaque association libre. C’est l’objet rien.
Le pouvoir – au sens de Phallus symbolique – du sujet est de se savoir dépossédé des objets imaginaires – tels la voix de l’autre, le regard de l’autre, le soin de l’autre, le phallus imaginaire de l’autre – et de ne pourvoir que l’objet rien.
L’objet rien est une expression du pouvoir du sujet, il est la conséquence de la construction du psychanalysant pendant sa psychanalyse.
Quel est le pouvoir de ce phallus ? Il n’y en a pas. C’est un pouvoir d’occuper la position d’objet rien, objet étincelle, objet souffle, πνεῦμα, objet qui a la fonction chez le psychanalyste – car il est l’unique représentant dudit objet – d’attiser le charbon ardent qui anime le désir chez l’être qui lui rend visite.
En résumé :
L’objet rien n’est pas le néant, comme ce que peut parfois signifier le nichts dans la philosophie allemande. Il est une construction symbolique à la sortie d’une psychanalyse qui permet à l’être devenu sujet de se dépêtrer face au rien qu’il a rencontré quand il est né. Le rien auquel est confronté le nouveau-né n’est pas un objet. Pour combler ce rien, l’être inventera le Moi, qui inventera des sensations, des perceptions, des objets fondamentaux, oral, anal, phallique, scopique. C’est dans la position de sujet qu’il reconnaîtra avoir construit un objet à lui. Cet objet, je le nomme objet rien.
L’objet rien est la construction symbolique pendant la psychanalyse. Cet objet naît avec la position de sujet, position qui est sa vraie naissance, la première étant celle d’un mammifère qui parle, qui survit, vivote, vit. Cette position de sujet est uniquement fruit de son désir, car personne ne force un être à devenir psychanalysant.
Il est possible maintenant de supporter ces représentants du rien – le manque, le trou, le vide – puisque l’être est dans la position de sujet. Qui danse avec le diable, le rien, danse avec ses cornes, ses représentants.
À la sortie de psychanalyse, l’être ne s’appuie plus sur son Œdipe, matérialisé par père et mère, ou ses représentants : épouse, amant, enfants. L’être dans la position de sujet s’appuie sur cet objet rien pour désirer exister. Au quotidien.