Semblant
(IV)
Fernando de Amorim
Paris, le 13 juin 2020
Comme je l’avais déjà évoqué, le tyran familial ne représente pas la famille. La famille est nécessaire, c’est-à-dire la présence de deux adultes pour faire en sorte que l’enfant, dans une absolue dépendance, puisse se mettre debout, avec l’aide des adultes qui l’entourent. Mais si le malheureux, l’autre nom du gamin, ne tombe pas sur des adultes mais sur de simples majeurs, il lui faudra alors compter avec les grands-parents, un enseignant, un sport, les études, pour ainsi se préparer pour le monde. Les géniteurs, la plupart du temps ont la majorité, ils peuvent passer leur permis de conduire, ils peuvent se déplacer du point A au point B avec une pièce d’identité. Et pourtant, ces droits légaux ne font pas d’eux des adultes.
Un adulte c’est un être responsable. Le Moi peut tout à fait baiser sans capote, écarter ses jambes sans demander au propriétaire du pénis de mettre un préservatif, tomber enceinte, et bien entendu le Monsieur qui a joui peut tout à fait dire : « Non, je n’assume pas cet enfant » ou la dame peut tout à fait dire : « Je veux garder l’enfant sans ton consentement. » Ce que je décris-là est loin d’un rapport des Moi adultes, puisque les êtres concernés par mes exemples n’ont pas accès au registre symbolique. Ce qui caractérise ce registre c’est l’apaisement, la mise en place des responsabilités, voire de l’obéissance. L’obéissance, ici, ne concerne pas le sens donné au début du XIVème siècle, à savoir, l’action de celui qui se soumet aux volontés d’autrui, mais l’obéissance, ou au moins l’acceptation, voire l’attention nécessaire, à ce qui est exprimé ou parlé, par l’Autre barré (Ⱥ).
Il ne faut pas exclure, bien entendu, la désobéissance, quand elle est nécessaire. Mais dans ces cas-là, il faut examiner la situation sans passion.
Aujourd’hui, le Moi des majeurs, face à la moindre contrariété, exige un changement de la Loi, exige des droits, surtout celui de faire chier. Faire chier l’autre (a’), qu’il, le Moi (a), considère comme étranger. Cependant, à aucun moment, le Moi n’a pensé à accepter d’être dans un rapport de devoirs, devoirs qui commencent par les devoirs scolaires vu que les acteurs des caillassages des pompiers ont oublié de briller à l’école. Si le Moi est aliéné par structure, il veut aussi légaliser le droit d’être inculte, vulgaire, malheureux, et d’exister en ayant les mêmes droits que les travailleurs, les studieux, les civilisés.
Une dame qui vient me rendre visite, dit :
– « Voilà, je suis arabe… ».
– « Ah bon, vous êtes arabe ! En quoi êtes-vous arabe ? ».
– « Voilà, je suis algérienne… » ».
– « Où êtes-vous née ? ».
– « Je suis née dans le XVIIIème arrondissement de Paris ».
– « Mais cet arrondissement se trouve à Paris, en France… Vous êtes parisienne ou non ? »
– « Oui, mais c’est mes origines… ».
– « Oui, mais … êtes-vous un arbre ? ».
Quand je dis l’Autre social c’est l’autre barré, le grand Autre barré social. Ce n’est pas le petit a, le semblable, même si ça peut aussi intervenir. Le travail clinique est de mettre le Moi dans l’arène de l’appareil psychique avec les organisations intramoïques, mais en présence du clinicien et sous le parrainage de l’Autre barré (Ⱥ). C’est à partir de cette confrontation, dans la clinique, qu’il est possible de construire l’apaisement de l’être. Je ne dis pas que les manifestations doivent être réprimées, elles sont l’expression de la vie de la société, j’examine l’expression de la haine qui profite de la démocratie pour détruire cette dernière. Ce qui est dans la logique du Moi humain.
Quand les autorités, élues démocratiquement ou obéissant aux Lois de la République, interdisent une manifestation, c’est parce qu’elles ont une raison pour cela. Il faut demander une autorisation pour manifester, pour exprimer sa pensée. Ça signifie que l’expression de sa pensée doit passer par le symbolique et non par l’imaginaire de l’agroupement, car l’agroupement au nom d’une couleur de peau, d’une origine, constitue la logique imaginaire de l’idéologie de la tribu indienne et africaine ; de la famille magrébine comme témoignent les patients ; de la masse qui manifeste contre un Président élu démocratiquement ; de la peuplade, comme il se disait au milieu du XVIème siècle.