Fernando de Amorim
Paris, le 23 novembre 2024
Ce texte est fruit d’une relecture de quelques articles – quatre au total – et de quelques relectures d’articles de Karl Abraham, de l’article Complexes familiaux de Lacan, d’Otto Fenichel, du Séminaire X de Lacan, du Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis et enfin du Séminaire RSI de Lacan.
Ces lectures doivent me permettre d’argumenter quant à la présentation de sortie de psychanalyse du docteur Marine Bontemps, le 12 novembre 2024, sortie qui a été validée par les membres de l’École.
Il m’a fallu douze jours, sans interruption, pour répondre, selon mes moyens, à des questions qui comptent, émises par des êtres qui comptent. À un moment de son exposé, Madame Bontemps évoque une situation où se pose la question de savoir s’il s’agit, dans son témoignage, d’un fantasme œdipien ou d’un fantasme d’intrusion.
Cela a suscité la nécessité de proposer une distinction entre fantasmes œdipien, originaire et fondamental, distinction qui est proposée dans le tableau ci-dessous.
Fantasme originaire | Fantasme d’origine Fantasme de séduction Fantasme de castration |
Objet originaire | Construction objet rien {} |
Fantasme fondamental | Constructions imaginaires du Moi liés aux parties du corps et à ses orifices |
Objets fondamentaux | Sein, regard, scybale, voix (les objets a lacaniens) |
Fantasmes œdipiens | Inventions imaginaires du Moi qui indiquent la relation que ce dernier maintient jusqu’à présent avec autrui, son semblable, à savoir papa et maman, sœur, frère en toutes situations |
Objets œdipiens | Le corps parental (« le corps nu de mon père ! », « les cicatrices sur le ventre de ma mère ! ») Père, mère, frères, sœurs |
Il me semble important de mettre en évidence que chez le premier Lacan, celui des Complexes familiaux, il s’agit d’une lecture interindividuelle1. Ce que je vise, c’est une étude des instances psychiques2.
La traversée du fantasme originaire signe, si cela est confirmé par la passe, que l’être dans la position de psychanalysant occupe dorénavant la position de sujet, ce qui implique qu’il s’engage à construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée. Il fait cela grâce au phallus symbolique (Φ) que, désormais, il possède.
La traversée des fantasmes fondamentaux et la chute de leurs objets, objet a, ainsi que le passage de la présence du -φ à la construction du Φ sont repérables cliniquement, mais cela satisfait l’analyste, comme Lacan et ses élèves, pas le psychanalyste. Ce contentement est dû, selon mon hypothèse, au fait que Lacan avait abandonné sa psychanalyse personnelle et que ses élèves, malins comme ils sont, se débarrassent de leur position de psychanalysant par des tours de passe-passe moïques, acquièrent le statut d’analyste et « bye-bye divan ! ». Le « bye-bye éthique ! » vient tôt ou tard. Dès qu’il y a passe, le Moi recommence à se gonfler et à utiliser son pouvoir, Φ, comme arme d’exhibition phallique, d’humiliation d’autrui : son époux, celui qui a assuré la traversée de sa psychanalyse, entre autres. Autrement dit, en quittant la position de psychanalysant, le Moi reprend ses droits imaginaires ; ainsi Φ perd de sa solidité et φ reprend de son gonflement.
Mettre en évidence l’instauration de la différence des sexes et des générations est une manière, subtile certes, mais phallique, φ, d’introduire le gonflement du phallus imaginaire. Au nom de la psychanalyse, malheureusement.
Le Phallus symbolique, Φ, est une responsabilité, une éthique propre à l’être dans la position de sujet, voire de psychanalyste, et non une arme au service du Moi. Dans ce dernier cas, il est question de φ. Un prof de fac avait la visée de donner aux psychologues les armes de la psychanalyse. Je lui avais répondu : « Carnage assuré ! ». Quand je suis allé, quelques années plus tard, lui demander s’il était possible que je m’engage à faire un professorat, il m’avait répondu que si je m’engageais dans cette voie, il allait barrer ma route. Encore aujourd’hui, je remercie ce monsieur.
Ainsi, évoquer la séparation des objets œdipiens sans une vraie séparation, celle qui apaise la tristesse, la haine, la victimisation, est l’indicateur qu’il n’y a pas eu de castration et que le divan est la solution pour la construction de sa responsabilité de conduire aussi sa destinée.
- LACAN, J. (1936). « Complexes familiaux », in Autres écrits, Paris, Éditions du Seuil, 2001, p. 37. ↩︎
- Ibid., pp. 36-37. ↩︎