Fernando de Amorim
À Paris, le 14 décembre 2024
Le Moi est une instance de pouvoir.
La psychothérapie qui sert à calmer l’angoisse du Moi (a) et les techniques de dressage telles les TCC qui servent à renforcer, voire rigidifier, les parties défectueuses du Moi – puisque considérées comme faibles ou inadaptées à soi-même, à son corps, à autrui ou au monde – sont pratiqué par des psychologues ou des psychiatres qui ignorent à quel point ils ne rendent pas service à l’être, l’être qui est caché – puisque veule – sous les jupes du Moi.
Pourquoi les psys – puisque c’est ainsi qu’ils sont nommés par le plus grand nombre – se comportent-ils de la sorte ? Parce qu’ils opèrent avec leur Moi boursouflé et non avec leur être barré (ɇ), celui qui se rend présent grâce à la psychanalyse personnelle du clinicien.
« “Ma vie à moi” n’est pas du même registre que “la vie que je mène” », formule sortie de la bouche d’un être qui se refuse, depuis quelques années de psychanalyse, à continuer à nourrir ses symptômes obsessionnels tels que lavages répétés des mains, fermetures et ouvertures quantifiées des portes. Cette logique de vérification compulsive ne faisait pas de sa vie un enfer, puisqu’au contraire elle servait, jusqu’à présent, à éviter l’enfer de la castration à son Moi.
Au début de sa cure, son discours s’articulait et se limitait à des inquiétudes liées à ses assurances-vie, ses prévoyances-maladie, à un possible accident du travail et à une inévitable invalidité aboutissant à sa question : « De quel régime suis-je ? ». Comme il se pensait vivre en enfer, il voulait contrôler sa pensée, son corps, autrui, son travail, ses subalternes, son chef, sa femme, ses enfants. Son Moi était un tyran domestique.
Pour poursuivre dans son ignorance quant à son régime, à sa place dans le monde, il mange, mange au point d’avoir une obésité pathologique qui fait que ses articulations « n’en peuvent plus », dit-il. Médecin, il connaît la chanson anatomo-physiologique, mais il ignore la partition du désir de l’Autre.
Cette introduction à la misère humaine était nécessaire avant d’évoquer cet antre national de la médecine qu’est la Haute – altissime – Autorité de Santé de notre pays qui, selon Le Figaro du 13 décembre 2024, « veut un accès gratuit à la transition de genre à partir de 16 ans ».
La méchanceté du Moi est illimitée, il veut vengeance et réparation de l’insulte qui lui a été faite.
Lecteur de Cesare Lombroso, celui-ci a écrit à la fin du XIXe siècle un document sur le « criminel-né, le fou moral… ». Il y met en lumière le cannibalisme, le crime des humains envers d’autres humains. Dans ce livre, ce qui a attiré mon attention, c’est que ce sont les enfants et les femmes qui sont tués pour satisfaire le Moi fort, celui d’un homme ou d’un vainqueur. Il ne s’agit pas là de genre, mais d’appareil psychique humain. Il s’agit de haine, de détresse et de volonté de vengeance du Moi. Le texte de Lombroso regorge d’histoires truculentes : maris fâchés qui tuent leur femme, enfants servis en souper à une communauté…
Alors, l’article du Figaro ne me fâchera pas à savoir que des majeurs veulent détruire le corps de l’autre. Il faut mettre en évidence que l’enfant et son corps sont une proie de choix pour l’accomplissement de la jouissance du Moi et de ses organisations intramoïques. Depuis la nuit des temps, l’enfant est mal accueilli dans ce monde où le Moi humain est un maître tyrannique qui cherche à se venger de ce que lui-même a vécu enfant. Jadis, l’enfant était mangé en entier dans des rites au nom du dieu méchant ou du Moi vengeur ; désormais, le majeur se contente d’un bout de son pénis ou de férir ses lèvres génitales, mais toujours au nom du dieu méchant du Moi de l’homme.
La psychanalyse a toujours été refusée par l’Altissime Hautorité de Santé, ainsi que je nomme l’HAS. La psychanalyse qui demande gentiment au Moi fou, affolé du jeune pubère, de se calmer, de venir parler davantage avant de passer à l’acte – ma technique dite de l’écarteur – est bannie car jugée pas assez scientifique. Mais amputer le corps juvénile noyé dans les pulsions et dans le désir de l’Autre parental et sociétal reçoit toutes les attentions des décideurs.
Il va de soi que l’idéologie n’aime pas la psychanalyse puisque celle-ci vise – c’est sa visée thérapeutique – à dégonfler le Moi (a) et à castrer l’être (e).
Comme je ne suis pas un homme d’espérance mais un nom de désir, je porte le discours de la psychanalyse sans espoir. « La République, c’est MOI ! », proférait un politicien professionnel. L’incitation idéologique à l’amputation du corps des jeunes leur indique que l’autorité n’est pas au rendez-vous de leur quotidien ; le corps juvénile, le corps encore jeune se retrouve face aux Moi et à leurs organisations intramoïques qui, au nom de la HAS – lire hache à Es, le Ça freudien – cherchent à se venger de leur Œdipe en utilisant les mineurs. Est-ce ignoble ? Non, c’est humain.
Il faut distinguer la race ignoble, la race humaine guidée par le Moi, aliéné par structure, idéologique par conviction voire par certitude, et l’être humain, l’être aristotélicien que la psychanalyse a proposé de barrer : mon « ɇ ».
Ceux qui acceptent la barre deviennent sujet ($), ceux qui n’acceptent pas se vengent.
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