Fernando de Amorim
Paris, le 2 janvier 2024
Un nouveau-né ne connaît pas sa mère et surtout pas son père. Cela ne l’empêche pas de désirer follement cet être qui le nourrit, comme de désirer follement de s’éloigner de cet être malsein – avec cette orthographe – dans lequel il a vécu sans faire partie d’elle.
Saisir cette logique est difficile pour la mère, incompréhensible pour le père, impossible pour le nouveau-né. Il s’agit donc de mon interprétation, interprétation qui sera validée par le nouveau-né devenu psychanalysant, par la mère, par le poète. Ce ne sont pas des intuitions mais des interprétations. De toute manière, il n’est pas possible de proposer une réponse fiable. C’est en cherchant cette fiabilité que j’attends que l’être, dans la position de psychanalysant, puisse dire ou confirmer mes dires sur cette hypothèse. Il n’y a pas de réponse à cette question, il n’y en aura jamais, puisque que le nouveau-né n’a pas d’accès à l’Autre barré. Il peut compter avec le regard de sa mère où il se verra inversé. Il faut signaler que le cœur du nouveau-né n’a jamais battu à ce rythme. Le rythme en question est celui de l’amour, de l’insécurité, de la peur, de la perte, de la désespérance, voire de l’absolu abandon, comme quand le nouveau-né cesse de crier, de se plaindre. Quand il ne se plaint plus, c’est l’autisme, c’est la mort. Tout cela pour ne pas se confronter avec le manque, expression symbolique du Réel, du rien.
Le nouveau-né a habité dans le ventre de sa mère, mais il ne la connaît pas pour de vrai, puisque personne ne connaît l’autre pour de vrai, puisque l’être ne connaît pas son Moi et parce que le fœtus est séparé de l’organisme de sa mère par les deux couches de la membrane amniotique.
Pour connaître, il faut un nom. Le nouveau-né sera appelé par son prénom, sa mère par sa fonction. C’est quand le nouveau-né apprend le prénom de sa mère que l’amour devient symbolique, car le lien est établi pour les deux êtres par le même registre, à savoir le rapport entre le Moi et l’autre, donc l’amour imaginaire. C’est quand la relation tourne entre le Moi et autrui qu’est possible l’amour charnel, la haine charnelle. C’est par le rapport avec l’autre que l’enfant pourra rêver d’Œdipe, pas avant. Avec Œdipe, il pourra faire ses rêves dans lesquels l’autre sera présent, il pourra aimer l’une et haïr l’autre, mais dans les deux cas de figure, c’est son reflet qu’il haime – avec cette orthographe – tant, jusqu’à la destruction de tout son monde, à savoir l’appareil psychique, le corps, l’organisme qui l’abrite.
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