Fernando de Amorim
Paris, le 10 septembre 2024
Rien de plus facile que de défendre la psychanalyse.
Les haineux, les ignorants, les sous-commentateurs se dépêchent, à la manière de l’Express, de la rendre ringarde.
Or, c’est celui qui dit qui est, selon un dicton des cours d’écoles primaires, et donc les ringards ce sont eux, doublés d’une ignorance épistémologique crasse. Il y a de la science dans la psychanalyse ; il faut savoir la trouver, la critiquer, la construire, la déconstruire, la critiquer, la construire. Quand les neuroscientifiques se disent scientifiques, je leur rappelle qu’ils sont des psychologues sans formation neurologique qui bricolent des tests. Il leur manque un appareil psychique pour se repérer. La psychanalyse en possède un. Je l’avais nommé « schéma freudo-lacanien ».
L’année dernière, mon séminaire visait à mettre en évidence d’où vient la psychanalyse. La psychanalyse est une réponse de Freud à Aristote. Le Viennois est un élève génial qui répond à l’immense esprit du Stagirite. La science de l’être en tant qu’être se trouve chez Aristote. Le mot métaphysique apparaît chez le commentateur d’Aristote Nicolas de Damas au Ier siècle av. J.-C.
La métapsychologie de Freud, le premier nom de la psychanalyse, est une réponse à la métaphysique d’Aristote. Telle est mon hypothèse.
Aristote, « le maître de ceux qui savent », selon Dante[1], a organisé, de manière propre à son extraordinaire esprit, la pensée de l’homme en essayant – je dis bien en essayant – de le sortir de sa médiocrité. Or, l’homme est surtout représenté par son Moi. De là ma pensée que la guerre est déjà perdue pour sortir l’homme de sa petitesse, mais quelques batailles peuvent être remportées, si le psychanalyste opère pour que l’être puisse se désolidariser du Moi et, en s’engageant avec l’Autre barré, devenir sujet.
Kant, l’équarrisseur, comme je le surnomme, a dégraissé la métaphysique d’Aristote, document qui se baladait d’ici à là-bas, quand l’Arabie produisait encore des savants tels Avicenne ou Ptolémée. De retour au bercail, elle – toujours la métaphysique – fut malmenée par des commentateurs religieux, des idéologues du divin, au nom du Christ.
Kant a produit une métamorphose de la métaphysique et cette transformation pratique est ce que Freud a nommé Psychanalyse. Toujours mon interprétation.
L’analytique de l’entendement, c’est l’interprétation freudienne. Rien à voir avec une interprétation figée comme celle produite par les fonctionnaires de l’enseignement et les commentateurs et détracteurs de la psychanalyse. Je vise les técécistes et neuroscientistes.
L’ouverture pratique de la Kritik der reinen Vernunft, est devenue l’avenir de la métaphysique grâce à l’accouchement opéré par Freud et qu’il a nommé psychanalyse. C’est une fille, devenue femme. Elle se porte toujours bien.
Kant l’équarrisseur de la métaphysique aristotélicienne a légué à Freud une viande propre, sans os, sans peau, sans graisse, prête à la consommation. À nous, êtres de ce siècle, de profiter de la psychanalyse, car le gros du travail a déjà été fait par Aristote, Kant, Freud et Lacan.
Il faut juste s’installer sur le divan et ramer pour devenir sujet. Si le courage est au rendez-vous. Ce qui m’étonnerait.
Avant de critiquer la psychanalyse de Freud, il faut qu’ils, les innocents et ignorants, lisent Aristote et Kant. Et puis on discutera science.
Début de mon séminaire, le quatrième mardi de ce mois-ci.
[1] Dante, A. La divine comédie, L’enfer, chant IV, 131.