La maladie organique déclenchée avant, pendant ou après la sortie de psychanalyse
Fernando de Amorim
Paris, le 10 janvier 2023
Voici une première hypothèse : avant la rencontre avec le psychanalyste et avant le déclenchement d’une maladie organique, le Surmoi avertit le Moi que Ça déconne. Cette déconnade veut dire que le Moi n’accepte pas la castration et ne reconnaît pas le signifiant venu de l’Autre barré. Cette opération sépare le signifiant de la libido, ce qui fait que cette dernière quitte le champ du psychisme pour couler du côté du corps, comme un signalement.
Le lecteur remarquera que le Surmoi avertit, le corps, lui, signale. Cependant, le Moi ne veut rien entendre.
Puis, la libido perce le corps et tombe du côté de l’organisme, produisant ainsi une maladie
organique. Ici, le psychanalyste ne peut rien pour la maladie, il peut pour le malade. Ici, le
médecin entre en scène : il soigne (seul), il traite (avec l’aide du malade), il guérit (avec l’aide du malade et du médicament) la maladie.
Il y a des maladies qui sont réversibles du fait d’un traitement médico-chirurgical et il y en a qui sont irréversibles et, dans ce cas, le traitement médical ne peut que contenir la débâcle organique. Je reviendrai sur ces irréversibles au moment d’évoquer la sortie de psychanalyse.
Dans les premières, celles irréversibles, le médicament ou la chirurgie peuvent barrer le
chemin libidinal. L’action de la psychanalyse peut faire en sorte que le Moi accepte le
signifiant, ce qui fait automatiquement que ce dernier traverse le Moi chargé de libido. C’est
ici que l’organisme devient corps. Et la psychosomatique ne peut pas accéder à ce niveau de complexité psychanalytique. La psychosomatique est la preuve même que le psychanalyste a abandonné la psychanalyse.
Pendant la psychanalyse, si le Moi continue son parcours d’aliéné pendant que Ça débloque et s’il en est averti – en d’autres termes s’il suit mon enseignement freudo-lacanien sur le
passage du corps à l’organisme – il, le psychanalyste, au nom de l’autorité du transfert, mettra en place la technique de l’écarteur.
Mais le Moi n’en fait qu’à sa tête.
Puis, il y a déclenchement d’une maladie organique.
Si ce déclenchement a lieu pendant la psychanalyse, mon regard se tourne sur la manière dont le clinicien conduit la cure. J’ai maintenu ce raisonnement devant Claude Smadja et
Marcel Czermak à la faculté de Médecine de Bobigny il y a quelques années de cela. Ils
n’étaient pas d’accord avec l’auteur de ces lignes. Je maintiens pourtant la même position.
C’est quand le clinicien est innocenté qu’il est permis de se tourner vers le Moi du psychanalysant.
Si la maladie est curable par la médecine ou la chirurgie, l’être pourra tirer les conséquences de cet avertissement et accepter la castration, ce qui suppose le dégonflement du Moi. Si la maladie n’est pas soignable mais traitée, le psychanalyste se doit de mettre en place la technique de l’écarteur et ne plus accepter la diminution des séances acquises jusqu’à la sortie de la psychanalyse.
Une fois que la libido nourrit une maladie organique et qu’il n’est plus possible grâce aux
avancées de la médecine de revenir en arrière, à savoir que l’organisme devienne corps, la
sortie de psychanalyse prendra en compte la manière dont l’être, dans la position de sujet,
traitera dorénavant son nouvel appendice, l’autre nom de sa maladie.
Dans le cas du déclenchement de la maladie organique après sa psychanalyse, donc une fois le psychanalysant devenu sujet, c’est à lui, et à lui seul, de porter la responsabilité de prendre soin de son corps et de ce Réel nommé par la médecine, maladie.