Fernando de Amorim
Paris, le 9 juin 2022
La méthode en psychanalyse explore, par le silence du clinicien et par les associations libres du Moi, le domaine propre à la psychanalyse, à savoir, la traversée de l’océan inconscient à partir des techniques de propulsion de la cure (telle la technique de l’écarteur) vers le bon port : un continent pour la névrose, la possibilité d’une île pour la psychose, le mouillage pour la perversion. La conduite d’une cure par un clinicien dans la position de psychothérapeute ou de supposé-psychanalyste suit les mêmes indications rigoureuses d’une navigation fluviale, dans le cas d’une psychothérapie, ou d’une navigation hauturière, dans le cas d’une psychanalyse : la boussole pour le clinicien ce sont les associations libres de l’être (Ⱥ), les balises indiquent l’écueils à éviter, tels les passages à l’actes.
Si en philosophie la méthode est une démarche rationnelle destinée à découvrir et à démontrer la vérité, en psychanalyse la méthode est une démarche de même nature car destinée à ce que l’être construise sa vérité et, ensuite, qu’il démontre que sa construction est solide par la voie de la passe inspirée par Lacan et rectifiée par l’auteur de ses lignes. La méthode en psychanalyse ne vise pas que l’être accède au Réel, ce serait le pousser à la folie. La méthode vise que l’être construise une forme de danse qui lui soit propre et qu’il danse avec le Réel durant son existence.
La méthode en psychanalyse consiste à bien conduire raisonnablement les associations libres tout en visant à construire une vérité qui soit propre au psychanalysant qui, devenant sujet, puisse attester, au moment de la passe, de la scientificité de la psychanalyse. Cette exigence ne concerne pas le sujet lambda, mais bien le sujet qui désire occuper la position de psychanalyste, même si c’est de sa position de psychanalysant, ensuite de sujet, qu’il a l’autorité de dire si oui ou non la psychanalyse mérite d’être qualifiée de scientifique. Quand j’écris sur la psychanalyse, je le fais à partir de la position de défenseur autorisé par mon désir et habilité par mon expérience de psychanalysant. Je ne peux pas défendre la psychanalyse en tant que psychanalyste. Ça serait de l’ordre du conflit d’intérêt.
La méthode psychanalytique est un procédé d’investigation de l’inconscient où ce dernier n’est que libido et du Moi quand ce dernier n’est que langage et paroles sans castration. C’est grâce au grand Autre barré que l’être pourra, grâce à l’intervention du clinicien, mettre en route, grâce à la règle fondamentale et son respect rigoureux par le malade, patient ou psychanalysant, de la chaîne signifiante où l’être pourra s’accrocher entre deux signifiants et devenir ainsi – c’est le désir de psychanalyste – sujet. La répétition du mot « grâce » n’est anodine, lecteur ami, car il faut de la grâce, et beaucoup, dans une telle entreprise.
La méthode psychanalytique exige de l’observation du clinicien sous forme d’écoute flottante, de la classification – à quelle structure freudienne (névrose, psychose, perversion) a-t-il affaire ? – ; de l’hypothèse, ce qui l’autorise, tout en nourrissant le transfert et, faisant usage de la technique de l’écarteur, à conduire la psychothérapie, voire la psychanalyse d’un névrosé, d’un psychotique ou d’un pervers ; de la vérification, opération qui lui indiquera à qu’elle structure il a effectivement affaire (névrose, psychose, perversion). La réponse à la question du clinicien (à quelle structure ai-je affaire ?) sur la structure de l’être (névrose, psychose, perversion), l’autorisera à conduire la cure de manière adéquate car, la cure d’un obsessionnel n’est pas conduite – d’où l’importance des techniques appropriées propres à la psychanalyse – de la même manière que celle d’un paranoïaque ou d’un masochiste. De même ce qui est attendu à la sortie de psychanalyse est radicalement différent en fonction de la structure en question.
La méthode psychanalytique opère en extrapolant son champ, celui de l’inconscient et du désir, lorsque le clinicien opère à l’hôpital, dans les services de médecine, de psychiatrie et de chirurgie. Le psychanalyste entre à l’hôpital, mais pas pour y rester, puisqu’il n’est pas dans la position ni de médecin ni d’infirmière. Il entre à l’hôpital pour installer le transfert et sortir avec le malade quand il sera dans la position de patient, ce qui suppose l’accord de son médecin hospitalier. Il s’occupe du nourrisson, du bébé, du pubère, du majeur et des personnes âgées. Où l’être humain souffre, le psychanalyste peut mettre en place la méthode et ses techniques psychanalytiques. À condition que l’être soit d’accord.