Le A de la religion
Fernando de Amorim
Paris, le 12 février 2021
Quand Jacques Lacan dit que la vraie religion est celle catholique, probablement inspiré par Pascal, il met en évidence, me semble-t-il, une religion qui apaise le Moi de la furie imaginaire des organisations intramoïques, à savoir, la résistance du Surmoi et l’Autre non barré, ce qui n’est pas le cas des autres religions ni surtout le cas des sectes. La religion catholique d’aujourd’hui dégonfle le Moi mais n’empêche pas les non-catholiques, le Moi de l’être humain, « l’imbécile vers de terre », le « monstre incompréhensible » de Pascal (« Pensées de Port-Royal, XXI) de vivre. La religion catholique a ce pouvoir d’apaisement du Moi grâce à la castration produite par un vrai prophète, le Jésus Christ qui a donné l’exemple de la non-violence, par la philosophie grecque qui invite la monstruosité moïque à la raison en matérialisant, par le biais de la philosophie, par l’école de la république et la société française toute entière, à la reconnaissance de l’existence de l’Autre barré (Ⱥ). Le tout sans oublier la loi de 1905 qui, en France, utilise la force judiciaire et policière pour contenir et réprimer le déchaînement des pulsions de destruction des abrutis d’ici et d’ailleurs.
Dans cette logique, le Moi (a) s’adresse à l’Autre non barré des religions (A), A qui s’adresse au fidèle, c’est-à-dire à l’autre (a’) castré par l’enseignement de l’école républicaine et la philosophie. Le discours de la philosophie grecque, des humanistes et de l’école laïque représente l’Autre barré (Ⱥ). Ceci pour ce qui concerne la religion catholique en France.
Dans le judaïsme, le A s’adresse au Moi (a). Le statut du A non-barré est celui de jouisseur, de là les injonctions à la mutilation du corps de l’autre au nom de la tradition. Cette tradition n’a rien d’original car, selon l’hypothèse de Voltaire, elle viendrait d’une tradition chez les égyptiens. Selon lui, « Rien n’empêche donc que les Hébreux aient imité les Egyptiens dans la circoncision, comme faisaient les Arabes leurs voisins. » (Voltaire, Dictionnaire philosophique, entrée « circoncision). Ici, l’autoritarisme vient de la pression de la tradition. L’Autre (A) ici, oblige l’autre (a’) à l’obéissance au nom d’une tradition d’une époque autre et révolue, époque où une femme valait moins qu’une chèvre et le détenteur du pénis se croyait maître chez lui.
Dans l’islamisme, le A non-barré s’adresse au Moi (a) et ce dernier, s’installant à la place du maître, soumet son semblable (a’), au nom de son Moi (a) et non de l’Autre non barré (A). Ici, l’autoritarisme vient d’un être de chair et d’os (a), qui s’autoproclame maître du corps et de la destinée de l’autre son semblable (a’), que ce soit son enfant ou son épouse, le poussant au meurtre ou au suicide, au nom de la connerie du Moi.
Ces formes de manipulation de l’esprit se veulent au-dessus de l’expérience humaine la plus libre, la plus sociale, la plus respirable, à savoir, l’expérience française de ce siècle.
Que le lecteur ne s’étonne pas. La tendance du Moi humain est de subir la puissance destructrice qui prédomine dans l’appareil psychique. Le Ça pousse la libido à s’exprimer coûte que coûte, c’est la konstante Kraft freudienne. À la libido peu lui importe de s’exprimer par la résistance du Surmoi ou par l’Autre non barré. Ce qu’elle veut c’est s’exprimer. Le Moi subit les organisations intramoïques et obéit selon son principe de moindre effort propre à son aliénation structurelle.
La religion exerce donc, selon l’auteur de ses lignes, la fonction de conteneur des pulsions de destruction et de rassemblement des foules au nom de l’Autre. À part la religion catholique d’aujourd’hui, il s’agit d’une stratégie de domination mise en place par le Moi (a) pour contenir les pulsions de l’appareil psychique dans lequel il est aussi prisonnier, pour contrôler l’autre, son semblable (a’), pour retenir la foule de se déchaîner et enfin, pour utiliser cette masse puissante, pour augmenter son pouvoir, stratégie propre au Moi islamiste.
Le Moi religieux cherche et trouve toujours chez l’autre, la justification de son acte destructeur. La Saint Barthélemy en est un exemple. À aucun moment en France, la religion juive, la religion protestante a pris possession du pouvoir. Le message est clair pour celles et ceux qui pensent, au nom de la religion musulmane, pouvoir conquérir la France. Les provocations moïques vont finir, comme tout conflit au nom de l’Autre, dans le sang, l’autre nom de l’impasse.
La castration n’est possible que si, en rencontrant la psychanalyse, le Moi s’engage, par le transfert avec le psychanalyste, à construire son existence sans intention d’être ni maître ni esclave de l’Autre. Cette rencontre se passe de manière intime dans une expérience humaine, et pourtant, c’est au nom de la laïcité qu’il est possible de supporter l’autre et non en étalant – au nom de l’ignorance, l’amour et la haine –, sa religion en place publique. Une religion, un dieu, un Autre non barré (A), s’adorent à la maison, dans le respect du voisin, c’est-à-dire, en toute discrétion.