You are currently viewing Ouverture des consultations publiques de psychanalyse (CPP) à PARIS

Ouverture des consultations publiques de psychanalyse (CPP) à PARIS

Fernando de Amorim

Paris, le 19 juillet 2016



De toute évidence, je suis d’accord avec Monsieur Fethi Benslama, professeur de psychopathologie à l’université Paris-Diderot, quand il dit, dans Le Monde du 19 juillet 2016 : « Il faut aujourd’hui recourir aux forces de l’intelligence collective en France, sur le plan de l’action sociale, dans l’éducation, au niveau de la politique locale pour retisser des liens défaits. Il faut rassembler et mettre en concertation l’ensemble de ces forces. Nous attendons du gouvernement cette action d’envergure ». Son vœu pieux se trouve ici, à mon avis.

Ce gouvernement quittera ses fonctions avec un bilan, concernant la santé mentale, qui laisse à désirer.

À l’arrivée de Monsieur le Président au pouvoir, j’avais écrit à son cabinet en lui demandant d’ouvrir des consultations publiques de psychanalyse d’abord par arrondissement parisien, ensuite, si l’expérience était concluante, d’élargir l’expérience au niveau national.

En répondant à ma missive, le cabinet de la présidence m’avait donné du « Monsieur le Président ». Cet intitulé, qui me mettait, moi, petit président d’une association Loi 1901, au même niveau que le président de la République française, m’a interpellé.

Au contraire d’être flatté – depuis des décennies plus rien ne me flatte –, je me suis profondément inquiété. J’avais l’impression que le projet ne serait pas pour ce quinquennat.

La CPP, consultation publique de psychanalyse, est un local, que je détiens en propre avec Madame de Amorim, mis à la disposition des étudiants souhaitant pratiquer la clinique. Mon idée, en suivant le souhait de Freud en 1918 et matérialisé par la disponibilité de Karl Abraham et l’argent de Max Eitingon, était de permettre aux étudiants d’apprendre à écouter avec des gens qui sont dans la « mouise ». L’objectif en est que, durant les 5 ans de faculté, le jeune apprendra le métier – ou pas, et dans ce cas, il ne continuera pas mais cherchera à trouver sa voie, qui n’est pas la clinique de l’écoute et de la parole bien dite – et ainsi deviendra un acteur social et non un boulet diplômé.

Si le jeune apprend le métier, le patient l’accompagnera jusqu’à la fin de ses études, et même au-delà. Beaucoup de cliniciens au RPH, Réseau pour la psychanalyse à l’hôpital – École de psychanalyse, ont commencé dans cette logique. A la sortie de la faculté, ils ont réussi à construire une clientèle et à créer leur propre emploi. Ils ne sont pas allés s’inscrire au chômage.

Encore deux éléments importants de ma proposition : le premier est d’ordre socio-économico-géographique, et l’autre humain.

Ces jeunes, si le gouvernement avait saisi cette expérience psychanalytique, en allant ouvrir des consultations publiques de psychanalyse dans les bâtiments publics après leur fermeture – école dans les grandes villes, mairies dans les villages – ces étudiants auraient pu transformer leurs études théoriques en expérience clinique articulée à la vie vraie, celle de Madame violentée par son mari dans nos campagnes et de Monsieur sans le sou, sans son honneur, et qui trouve dans des convictions folles, une porte de sortie face à la résistance du surmoi car le surmoi n’est plus dans l’affaire depuis fort longtemps comme l’ont cru les post-freudiens jusqu’à Lacan. Si nous partons dans une logique strictement psychologique, nous allons trouver le surmusulman, mais aussi le surcatholique, le surjuif, le surbouddhiste. La résistance du surmoi est au cœur de cette affaire. Pas besoin d’inventer un mot nouveau. Le retour à Freud est toujours d’actualité.

Un jeune clinicien récemment diplômé est confronté au voile d’une femme musulmane et à la radicalisation dans son cabinet en banlieue parisienne. L’affaire est traitée en supervision individuelle, supervision de groupe et sera aussi évoquée dans notre prochain colloque.

Il faut rassembler concrètement les forces d’intelligence clinique du pays. Sans compter avec le gouvernement. Il est hors circuit. Il fait de la politique politicienne car, quand le ministre veut devenir président, l’ex-président veut une seconde chance et l’actuel veut s’accrocher au fauteuil, il est évident que les intérêts du pays ne sont pas au cœur du désir de nos gouvernants.

Pendant ce temps là, on malmène le psychanalyste. Lui qui paye ses impôts, qui ne demande plus un sou à qui que ce soit, qui travaille en silence et prouve, dans le vrai, l’efficacité de son acte.

Une décision de poids de ce gouvernement, en fin de règne, serait de créer des consultations publiques de psychanalyse sur le modèle de la CPP. Une telle politique de santé mentale, peut éviter, nous le constatons au quotidien, que la haine de l’autre – jusqu’à son horreur – quitte la frontière du divan.

Il faut rassembler et mettre en concertation l’ensemble des forces politiques, éducatives, autour du désir. Et cela passe par le travail de fourmi des psychanalystes.

Bien entendu, le premier à ne pas croire que je serai entendu est l’auteur de ces lignes.

Et pourtant, entre-temps, la CPP et ses membres, ont assuré plus de 30 000 consultations en 2015. Et ça ce n’est pas du vœu pieux mais du beau désir décidé.