Fernando de Amorim
Paris, le 19 septembre 2022
Tout d’abord une remarque d’ordre moral : je ne m’adresse pas ici aux personnes, aux gens, comme il se dit. Je m’adresse à leur Moi. Cette note préliminaire vise à empêcher que d’aucuns puissent prendre ce qui suit personnellement.
Un maître c’est d’abord un Moi. C’est le Moi qui décide que le fils préféré est déchu de ses titres et de sa fonction militaire, mais qu’il est autorisé à porter l’uniforme parce qu’il s’agit des funérailles de sa maman. Aucune autorité ne peut fonctionner avec deux poids deux mesures. Autre exemple : un homme politique reconnaît avoir giflé son épouse et, son chef de parti, au contraire de se positionner sur le fait qu’un homme agresse une femme, évoque « la malveillance policière et le voyeurisme médiatique ». Il salue la « dignité et le courage » de l’homme qui tape mais n’a pas un mot pour la femme tapée. De tout manière, j’étais prévenu : « La République c’est Moi » est la preuve que l’être est écrasé par cette grenouille qui gonfle à chaque tentative de vouloir convaincre le pays qu’il est un « lider maximo ».
Conduire un groupe dans une direction qui puisse apporter de la castration, donc de l’apaisement, est une tâche qui a son poids. Ce poids « n’est pas plus lourd que la main d’un enfant. », comme l’écrit le poète.
Jeudi dernier un membre du RPH m’informe qu’il ne fera pas son doctorat, en conséquence de quoi je l’invite à quitter l’École. Apparemment cela m’avait touché puisque celle qui partage mon lit m’avait dit le lendemain que j’avais dit son prénom dans mon sommeil.
Incontestablement, chaque membre du RPH compte pour l’auteur de ces lignes. J’aime constater le courage avec lequel ils bravent leur tempête, sans céder sur leur désir. En revanche, quand ils cèdent, j’aimerais les taper, leur dire qu’il est honteux de céder, que cela aura des conséquences pour eux-mêmes et pour leur progéniture car la malédiction est l’autre nom de la lâcheté morale que Spinoza, et Lacan lui emboîtant le pas, met sur l’insigne du ne pas céder sur son désir.
J’ai cédé face à deux personnes de ne pas faire un doctorat, à savoir deux vieilles. Cette décision n’est pas mienne, mais celle de Freud qui disait que, au-delà de soixante ans, c’est foutu pour l’être humain parce que la résistance ne cèdera plus au désir d’exister. Bien évidemment, je ne suis pas d’accord avec mon maître, et je fais proposition aux psychanalystes du RPH de témoigner, par un livre, de leurs expériences de psychanalysant et de psychanalyste. Cette stratégie vise à ne pas les laisser jouir de leur connerie. Mon travail n’est pas d’accepter, mais de bouger les frontières des organisations intramoïques, qu’il s’agisse de l’homme mou, de la femme forte, de la veuve ou de l’orphelin.
J’avais demandé au faux vieux de veiller à ce que le contrat verbal – « je m’inscris en thèse dans un an, deux ans… » – soit consigné et que, à la date limite, la personne soit invitée, si elle préférait sa résistance à son désir d’instruction et de connaissance –, à aller résister ailleurs car il y a des écoles de psychanalyses beaucoup plus psychanalytiques que le RPH, si j’ai bien compris les dires d’une dame. Mais comment le faux vieux peut-il avoir l’autorité nécessaire pour faire respecter la loi créée par l’expérience – à savoir qu’un psychanalyste se doit de sortir de cette mesquine pensée qu’un diplôme de psychologue est suffisant pour assoir la formation d’un psychanalyste – si lui-même ne cède pas ?
En conclusion, un maître décide vers où le groupe doit se diriger, selon son bon plaisir ; : formule utilisée depuis Charles VII. Que le lecteur n’entende pas ici la fin des lettres patentes du roi aux Capétiens – « car tel est notre plaisir » – comme de l’ordre du caprice, mais de sa volonté. Et c’est de là que vient la volonté, à savoir de l’instance aliénée, l’autre nom du Moi. Ma position de président de l’École veille à ce que les résultats des recherches issus de l’expérience psychanalytique pour la formation des psychanalystes – et non des psys (psychologue ou psychiatre) ou des analystes – puissent être respectés.
J’avale les méchancetés du Moi des méchantes sans mot dire, à savoir sans descendre au niveau de la bassesse du Moi. En me nommant maître, en disant que le RPH n’est pas une école de psychanalyse, le Moi est dans la position de maître. En d’autres termes, si je ne cède pas à sa volonté, je reçois sa foudre : « Vous êtes un maître ! », « Le RPH n’est pas une école de psychanalyse ! ». Cette flèche venimeuse ne m’a pas touché.
Je ne suis pas un maître, je suis une autorité. Un prof de fac avait dit à un psychanalysant, qui suit aussi mon enseignement, que le RPH n’est pas une école de psychanalyse, mais un réseau. Ce même abruti, je fais référence au Moi bien évidement, indique quelques mois plus tard, que la thèse défendue, il y a quatre ans de cela, est excellente. Mais elle est excellente parce que le doctorant a suivi mes indications, à savoir les indications freudo-lacaniennes.
Mon autorité est le fruit d’années de construction. Si j’arrête de la nourrir, un faux pas et elle tombe tel un château de cartes. Rien n’est jamais acquis, tout est à construire, toujours, tout le temps. Jusqu’au dernier souffle.