Adresse au Président
Fernando de Amorim
Paris, le 29 septembre 2021
Dans un article publié en ligne le 28 et 29 septembre 2021, « Le Quotidien du médecin » écrit ce qui suit : « Consultations de psychologues, remboursées et soumises à prescription : une bonne idée ? ». Non, ce n’est pas une bonne idée ; c’en est même une mauvaise. Elle est le fruit d’une dissociation entre les cliniciens et les technocrates. Il faut dire que ce n’est pas leur argent qui sera mis sur la table, mais celui du contribuable. C’est pour cette raison, je suppose, qu’ils sont si – faussement – généreux. Cette idée embarque des marins de piscine, les psychologues et les médecins en l’occurrence, pour naviguer dans les eaux agitées de l’angoisse, de la détresse et du malheur, dans un radeau.
Les psychologues ne sont pas prêts à assurer la conduite des cures, je répète la même rengaine depuis des décennies ; les médecins ne sont habilités ni à indiquer ni à lire la cartographie de la folie (les symptômes) pas plus que la carte (la destinée de la conduite de la cure). Ils possèdent des diplômes universitaires. Or, un diplôme de faculté dans le champ de la santé médicale n’atteste pas d’une compétence. C’est la spécificité de la clinique psychanalytique française : un clinicien a son diplôme universitaire mais il fait des supervisions s’il est dans la position de psychothérapeute ; des contrôles s’il est dans la position de supposé-psychanalyste ; il fait partie d’une école de psychanalyse ; il participe à des colloques, des séminaires. En un mot, je pense que cette proposition du remboursement des consultations de psychologue a l’effet d’un pipi de chat dans un désert d’ignorance administrative.
En 1991, j’avais créé la CPP (Consultation publique de psychanalyse), d’abord à l’hôpital Avicenne (AP-HP), et maintenant à Paris dans le IXe arrondissement et chez les membres du RPH (Réseau pour la psychanalyse à l’hôpital – École de psychanalyse), dans la logique de la polyclinique psychanalytique de Berlin créée par les élèves de Freud à Berlin en 1920.
La Sécurité sociale s’effondre à vue d’œil : l’argent sort plus qu’il ne rentre. Dès que quelqu’un est fâché avec son patron, dès qu’il n’a pas envie de travailler, dès qu’il veut chercher un autre travail, il se met en arrêt-maladie. Avec, hélas, la complicité du médecin. Au contraire d’assurer la thérapeutique, le médecin est devenu complice de la jouissance des organisations intramoïques (l’Autre non barré et la résistance du Surmoi) et du Moi aliéné.
La sécurité sociale est une merveilleuse idée qui s’effondre parce que la jouissance du symptôme prend le dessus sur la fraternité qui veut qu’on apporte de l’aide à un compatriote quand il est dans l’incapacité de travailler.
Tel un marchand, le médecin prescrit un arrêt-maladie car s’il ne donne pas ce que le client – patient – demande celui-ci ira le chercher ailleurs. Il s’agit bien, en cela, d’une logique non plus clinique mais commerciale.
Ce n’est pas comme ça que nous allons faire grandir la société française. Une société se construit du désir de ses membres et non en nourrissant la jouissance de leur Moi, instance aliénée et aliénante par structure.
La politique du remboursement nourrit la paresse et le confinement dans l’aliénation, confirmant l’image déshonorante que le Moi a de lui-même. Ce n’est pas un geste politique, au sens de protéger la population de la pulsion de destruction, c’est un renfort de l’aliénation du Moi.
Les déclarations du Président Macron à l’occasion des Assises de la santé mentale montrent qu’on se soucie comme d’une guigne de la santé mentale.
Des propositions, j’en ai faites et réalisées : la CPP a assurée plus de 60 000 consultations en 2020, ses membres ont déclaré plus d’un million d’euros aux caisses de l’Etat ; notre SETU ? (Service d’écoute téléphonique d’urgence) travaille 7/7, 24/24 et assure des consultations téléphoniques, en France et à l’étranger. Pour quelles raisons ce qui se passe comme expérience réussie ici-bas ne parvient pas aux oreilles des seigneurs du Château ?
La réponse à cette question ne m’intéresse pas car ce sont les faits cliniques qui apportent la preuve que la psychanalyse française est vivante, travaille et a une attitude désirante – à entendre comme carnivore. Il est impossible d’aborder la jouissance retirée par le Moi en se faisant mouton. Il faut se battre, symboliquement, avec le Moi et les organisations intramoïques pour que l’être puisse construire son existence. Or, le choix fait par le gouvernement, consiste à mettre de l’huile sur le feu de l’aliénation.