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TECHNIQUE ET FINALITE EN PSYCHANALYSE : Technique du poussage

Technique du poussage

Fernando de Amorim

Paris, le 30 avril 2020

En navigation fluviale, le poussage consiste à  pousser un convoi de péniches ou de barges au moyen d’un bateau à moteur.

La technique que je décrirai ci-dessous peut être utilisée en navigation fluviale, ma métaphore d’une psychothérapie, comme en navigation hauturière, métaphore d’une psychanalyse.

Continuant avec les métaphores, le pousseur dans la cure – que celle-ci soit une psychothérapie avec psychanalyste ou une psychanalyse – c’est le désir du psychanalyste. Le désir du psychanalyste intervient quand un signifiant se met au service de la résistance du Moi en ralentissant ou en déviant la cure de sa direction.

La direction de la cure vise, dans un premier temps, la Mer d’Œdipe, dans un second temps, un continent (névrose), la possibilité d’une île (psychose), un mouillage (perversion).

La technique du poussage suppose que le clinicien descende dans l’arène clinique. Le lecteur est prié de ne pas imaginer l’arène comme le Colysée romain, mais comme une cale de bateau où se déroule un combat, avec visée mortifère, entre bourreau, victime et bête sauvage. Le lecteur est prié aussi d’associer à ces trois positions, les organisations intramoïques, le Moi, le Ça. Le Surmoi, pour l’instant, ne fait pas le poids dans cette affaire.

Il y a cachotterie ou manipulation quand le Moi ne dit pas ce qu’il sait, il y a résistance quand le Moi parle sans savoir, il y a mutinerie quand le Moi, poussé par les organisations intramoïques, vise par l’acte (résistance du surmoi) ou par la parole (Autre non barré) à détruire l’autorité du transfert, en visant le clinicien en particulier (Ⱥ’), ou l’Autre barré en général (Ⱥ).

Il est de la responsabilité du clinicien de descendre dans l’arène clinique, d’attraper la bête par les cornes si elle est d’accord, de la secouer, si elle est toujours d’accord de jouer le jeu. Ici, « jouer le jeu » est défini par le dictionnaire de deux manières : au sens propre de respecter les règles, et au sens figuré de suivre les règles préalablement établies, en un mot de ne pas tricher. Le Moi ne respecte pas la règle d’association libre (dire ce qui lui traverse l’esprit et le corps), tout comme il ne suit pas la règle d’association, préalablement déclinée par le clinicien (dire une pensée après l’autre). En un mot, le Moi triche. Et cela avec le consentement de l’être dans la position de malade, patient ou psychanalysant.

Descendre dans l’arène clinique est un moment très fécond. Si les deux parties – l’être est suffisamment décidé à construire son désir et le clinicien est suffisamment solide, grâce à sa psychanalyse personnelle, pour ne pas courir aux abris – s’engagent à, au nom du désir de castration, d’opérer pour dénouer la résistance, la cure avancera.

En séance, un psychanalysant associe librement – ce qui est considéré comme une navigation normale –, puis la phrase suivante sort de sa bouche :

« Je ne vis pas pour moi! ».

Cette phrase sous-entend un Autre, bras armé de la résistance du surmoi. Le lecteur remarquera que les organisations intramoïques – la résistance du surmoi et l’Autre non barré –sont à l’œuvre dans son discours. Cette phrase laisse entendre que s’il ne vit pas pour lui, il vit pour quelqu’un ou quelque chose d’autre.

Le clinicien interrompt son discours et dit :

– « Si vous ne vivez pas pour vous, pour qui vivez-vous ? ».

– Il : « Je ne sais pas ! » [Résistance].

– Clinicien : « Dites le premier mot ou image qui vous vienne à l’esprit… ».

– Il : « Je ne sais pas ! » [Résistance].

– Clinicien : « Oui… ! ».

– Il : « Ma patronne ! ».

Dans mon séminaire des années 1996-97, intitulé « Le transfert chez Freud », j’avais appelé Résistransfert, « le refus au transfert vis-à-vis d’un objet » (p. 3). Aujourd’hui et dans cette situation, la résistance est utilisée pour tromper le transfert, de là la proposition de ce mot Résistransfert pour indiquer que l’une, la résistance, est dans l’autre, le transfert. Dans ce cas de figure, le clinicien est invité, face à la résistance, à descendre dans l’arène clinique, au nom du transfert.

Le clinicien lui dira :

– « Vous abusez ! ».

Et il continue :

– « Depuis combien de temps la connaissez-vous votre patronne ? ».

La visée du clinicien est de dénouer le nœud, l’autre nom de la résistance, mis en place par le Moi.

Il dira :

– « Trois ans ! ».

Il comprend immédiatement qu’il ne vit pas pour sa patronne.

Le clinicien reprend la parole :

– « Vous vivez pour votre patronne. Continuez à associer librement, je vous prie. Vous vivez pour qui ? ».

– Il : « Pour mon père ! ».

A ce moment, la cure reprend sa route vers la Mer d’Œdipe. Et cela, jusqu’à la prochaine résistance, à savoir, jusqu’à la prochaine accalmie ou tempête psychique.