Fernando de Amorim
Paris, le 1er novembre 2023
Ce n’est pas l’être, surtout pas le sujet, qui croit. La croyance est propre au Moi, qu’il s’agisse de la Glauben, la foi ; de l’opinion, Meinen ou de la Wissen, la science. La croyance est une manière pour le Moi – qu’il s’agisse du Moi du croyant, du Moi du donneur d’avis ou du Moi du scientifique – de ne pas être castré. Le Moi castré (ä) n’est pas dans la même position que le Moi barré (ⱥ). Le premier concerne le dégonflement produit par une psychothérapie avec psychanalyste, le deuxième est le résultat d’une sortie de psychanalyse.
Toute relation au grand Autre non barré (A) ne peut que produire sensation, perception ou, carrément, écrasement pour le Moi.
La croyance n’est pas une vérité mais une lecture imaginaire de la réalité, religieuse, idéologique ou scientiste du Moi. Entretemps l’être reste au chaud, sous les jupes moïques.
Une vérité en psychanalyse est fruit du désir de l’être (e) de rencontrer l’Autre barré (Ⱥ), de dégonfler l’Imaginaire (de « I » il passe à « i »), de dégonfler le Moi (de « a » il passe à « ä »).
Ce qui sortira par l’enclos des dents sous forme de vérité, à cet instant, c’est l’expression de l’être barré (ɇ). Ainsi, une vérité qui sort de la bouche d’un psychanalysant lambda – donc qui ne désire pas devenir psychanalyste – je la résume comme suit :
e → Ⱥ → i → ä → ɇ
Dans le cas d’une vérité qui sort de la bouche du psychanalyste en psychanalyse (s), son Imaginaire est castré (ï), son Moi est barré (ⱥ) – ce qui n’est pas le cas chez le psychanalysant lambda devenu sujet. Quand la parole sort de sa bouche, c’est l’expression d’un sujet barré. Ce qui donne :
s → ï → ⱥ → $
Et le grand Autre barré (Ⱥ), pour quelle raison n’apparaît-il pas ? Parce qu’il est incarné. Il n’est pas partout, ce qui rendrait zinzin l’être, mais l’Autre barré est au cœur de son quotidien. Il s’agit d’une incarnation éthique.
Cette parole, sortie par l’enclos des dents, est une vérité de cet instant pour l’être lambda, ce n’est pas une croyance. S’il y a croyance, je le répète, c’est une expression du Moi.
La croyance n’est pas un savoir ; le savoir est une construction subjective qui exige un travail symbolique de très haut engagement. La croyance est un bricolage du Moi pour éviter, en dernière instance, la castration, le rien et enfin sa destinée féminine propre au sujet constructeur de sa responsabilité de conduire aussi sa destinée et du sujet barré responsable de construire son existence.
La science n’essaie pas de forclore le sujet car le sujet n’existe pas encore. Le sujet est une position de l’être à la sortie de psychanalyse.
Tous les êtres ne sont pas aptes à devenir sujet, ou être barré, ou être castré. Quelques-uns ne peuvent, c’est leur maximum libidinal, que survivre, vivoter, vivre, parler pour ne rien dire (Cf. ma hiérarchisation « de l’être au sujet barré », ci-dessous) :
être – être vivant – être humain – être survivant – être qui vivote – être qui vit – être parlant – être castré… (sans psychanalyse)
…être barré
(α)
– sujet –
(β)
sujet barré (avec psychanalyse)
(γ)
La forclusion du sujet est une incohérence clinique. Il me semble possible de faire une lecture légitime de la forclusion du signifiant du Nom-du-Père pour des êtres de structure psychotique, mais généraliser ce concept fruit de l’enseignement de Lacan ne rend service ni à la théorie de ce dernier ni au projet d’une psychanalyse scientifique désiré par Freud.
Un discours scientifique qui a comme objectif une unification à tout prix pousse à rendre fausse une interprétation possible du Réel et à rendre fous ceux qui s’embarquent dans une telle aventure.